Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la paix de 1919 ait dépouillé l’Allemagne de son empire colonial.

Les protagonistes de cette politique tant décriée naguère ont donc eu une saine prescience des besoins tant présents que futurs du pays lorsqu’ils lui forçaient la main pour le lancer dans des « aventures. » Ils y ont eu d’autant plus de mérite que, non seulement plusieurs d’entre eux, tel Jules Ferry, y ont compromis leur fortune politique, mais que tous, dans les débuts tout au moins, eurent à vaincre l’incompréhension des bureaux.

C’est en effet une justice à rendre à ces derniers, à ceux du quai d’Orsay surtout, qu’ils furent très lents à discerner l’importance déterminante que les questions coloniales allaient prendre dans le règlement de la situation européenne : de même qu’elle a trop longtemps dédaigné les préoccupations d’ordre économique et qu’il n’est pas certain qu’elle en comprenne encore la prédominance presque exclusive à l’heure présente, de même la « Carrière » éprouva tout d’abord comme un sentiment de déchéance à déserter le terrain des grands palabres diplomatiques pour s’occuper des nègres et des jaunes. Au vrai, des problèmes exotiques qui se posaient alors, ceux-là seuls l’intéressaient vraiment qui la ramenaient à ses chères traditions parce qu’ils réagissaient directement sur les relations, des principales Puissances, et qui, pour cette raison même, étaient pour nous particulièrement délicats dans la période, critique à tant d’égards, que traversait la France.

Au premier rang de ceux-ci, l’antique question d’Égypte. Un de nos ambassadeurs a dit spirituellement d’un peuple voisin qui, dépouillé désormais de son ancienne splendeur, agite aujourd’hui des ambitions encombrantes et stériles : « Il est insupportable ; il réclame tout ; quand on lui refuse, il hurle ; quand on lui donne, il s’imagine qu’on veut le tromper. » Peut-être, dans le recul des temps, justifierons-nous une appréciation analogue pour l’incohérence de notre altitude en Égypte, où nous avons joué la pitoyable alternance entre de tristes capitulations et de vaines récriminations, ne sachant ni lier partie avec l’Angleterre et monnayer utilement nos droits historiques dans cette région, ni nous dresser contre les prétentions que l’ouverture du canal de Suez et l’acquisition des actions du Khédive, — acquisition que le Gouvernement du duc Decazes avait