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Restauration avait bien pu, dès le Congrès de Vienne, prouver la vitalité du pays par une activité débordante et fructueuse dans les diverses chancelleries d’Europe. Les circonstances n’étaient pas les mêmes après 1871 : la plupart des Puissances, celles du Centre surtout, subissaient l’attraction de la victoire allemande ; d’autres, par rancune, ignorance ou myopie, étaient indifférentes ou hostiles à la France. Celle-ci ne pouvait donc s’essayer à agir que loin du théâtre de ses derniers combats et de ses anciennes ambitions, en choisissant de préférence les régions du globe où elle ne heurterait tout d’abord aucun rival continental, Congo, Mékong ou autres points demeurés vacants et sans maitre.

Cette orientation avait un autre et signalé avantage. L’un des devoirs, et non des moindres, qui incombaient à la France d’alors, était de se reconstituer une armée. Mais, si démocratique et si universelle que les exigences du temps forçassent à concevoir celle-ci, il ne lui en fallait pas moins des cadres permanents, voire des cadres d’autant plus nombreux qu’ils auraient, au jour de la mobilisation, à recevoir de plus grands effectifs de réservistes. Or, l’expérience de plusieurs siècles a démontré que le moral des militaires de carrière ne se soutient pas longtemps dans l’inertie : ils tombent bien vite dans la mollesse, l’intrigue et l’anarchie, lorsque quelques combats ne viennent pas périodiquement entretenir chez eux le sentiment de l’abnégation, le goût du sacrifice et l’habitude de la discipline. A cet égard aussi, les expéditions coloniales ont rendu les services qu’on en devait légitimement attendre, et chacun sait combien de grands chefs en sont issus qui ont largement et glorieusement contribué à sauver le pays, lors de la suprême épreuve.

Mieux encore : la guerre de Cinq ans a démontré de quelles abondantes réserves la nouvelle France devait doter la métropole : réserves de soldats et d’ouvriers, que le général Mangin a énumérées ici-même[1] ; réserves de matières premières et de denrées alimentaires, vers lesquelles tout le monde regarde aujourd’hui, à l’heure de la disette générale, et dont les socialistes les plus intransigeants semblent implicitement proclamer désormais l’utilité, dans le zèle qu’ils déploient à regretter que

  1. Voyez la Revue du 15 juin 1920.