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en Allemagne ; au début, elles n’auraient rencontré aucune résistance sérieuse, mais quelques troupes ralliées par un chef énergique auraient pu commettre la folie de chercher à les arrêter à leur deuxième ou troisième étape, et il eût fallu mettra fin à cette équipée le plus rapidement possible, en réduisant les pertes au minimum. Celle opération n’a pas d’analogue dans la dernière guerre. — Si le coup d’État de Kapp ou 1920 avait réussi, il aurait vraisemblablement amené de nouvelles hostilités, aussi follement engagées, mais ce n’eût pas été la première fois que l’Allemagne eût violé les règles de la raison ; le résultat de la lutte n’eût pas été douteux, mais on ne peut prévoir quelle forme elle aurait prise.

Grâce aux fautes de l’Entente, l’Allemagne est plus centralisée qu’elle ne l’a jamais été, mais elle est privée de sa dynastie et elle parait bien incapable de retrouver son équilibre sans cet appui central. Les patriotes rhénans, bavarois, hanovriens ont bien raison de dire que la République actuelle est un plus grand danger pour la paix que n’était le Kaiser en 1914, et surtout que ne serait le Kaiser en 1920. Tant qu’ils n’auront pas réussi à rendre à l’Allemagne la forme fédérale qui lui est naturelle, le malaise persistera et le monde sera à la merci d’un nouveau coup d’État prussien. Le troupeau sans berger, incapable de se conduire soi-même, erre a l’aventure, à la merci de quelque bête bien encornée qui le mènera dans un précipice ; un Kapp quelconque peut surgir de nouveau, flanqué de Ludendorff et de quelques acolytes, qui, s’étant saisi du pouvoir, ne pourra le garder qu’en faisant de la surenchère pangermaniste, fort capable de dénoncer le traité de paix, avec la France seulement par exemple, en supposant un désaccord entre les Alliés. Dans cette hypothèse, qui n’a rien d’invraisemblable, il faudrait frapper vite et fort ; la plus grande rapidité s’imposerait dans les opérations ; il faudrait se saisir des centres miniers et industriels, pousser immédiatement jusqu’à l’Elbe. Sinon, l’ennemi s’organiserait et sa soumission réclamerait de grands efforts, de nouvelles pertes irréparables, des dépenses énormes que personne ne pourrait payer. L’armée allemande, même privée d’une partie de son matériel, resterait une force assez importante devant les effectifs de première ligne qui devraient l’aborder, et la lutte prendrait des aspects imprévus.

Donc, ce n’est pas seulement la guerre d’hier qu’il faut étu-