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comment finit la guerre.

des grands capitaines et par l’expérience. Il n’y a point de règles précises, déterminées ; tout dépend du caractère que la nature a donné au général, de ses qualités, de ses défauts, de la nature des troupes, de la portée des armes, de la saison et de mille circonstances qui font que les choses ne se ressemblent jamais. » En grandes capitales serait gravée la proposition : Il n’y a pas de règles précises, déterminées.

Le cours de stratégie et de tactique générale pourrait débuter par la citation suivante : « Alexandre a fait huit campagnes… Annibal en a fait dix-sept… César en a fait treize… Gustave-Adolphe en a fait trois… Turenne en a fait dix-huit… Le prince Eugène de Savoie en a fait treize… Frédéric en a fait onze… L’histoire de ces quatre-vingt-trois campagnes serait un traité complet de l’art de la guerre ; les principes que l’on doit suivre dans la guerre défensive et offensive en découleraient comme de source. » Le professeur serait obligé de ne pas chercher tous ses exemples dans la même époque et, si on lui objectait le peu d’intérêt que présente l’étude de guerres aussi lointaines, alors que l’armement était si différent du nôtre, il mettrait cette question matérielle à son rang d’importance en citant le Maître une fois de plus : « Si Gustave-Adolphe ou Turenne arrivaient dans un de nos camps à la veille d’une bataille, ils pourraient commander l’armée dès le lendemain. Mais si Alexandre, César ou Annibal revenaient ainsi des Champs-Elysées, il leur faudrait au moins un ou deux mois pour bien comprendre ce que l’invention de la poudre, les fusils, les canons, les obusiers, les mortiers ont produit et ont dû produire de changements dans l’art de la défensive, comme dans l’art de l’attaque ; il faudrait les tenir pendant ce temps-là à la suite d’un parc d’artillerie. »

L’étude de la grande guerre dans ses transformations si rapides et si complètes sera évidemment poussée dans le détail de quelques opérations caractéristiques. Mais on ne pourrait y borner l’attention sans retomber dans l’empirisme ; quelque variées que soient les formes qu’elles a revêtues, elle ne peut donner une idée exacte de ce que serait un choc nouveau, avec des armées différentes de composition et d’esprit, et les changements dans le matériel ne sont rien à côté de ceux qui résultent des situations nouvelles.

Si, le 28 juin 1919, le gouvernement allemand avait refusé de signer le traité de paix, les armées alliées se fussent avancées