Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
revue des deux mondes.

-majors ont suivi avec beaucoup de souplesse les transformations rapides de la guerre ; ils ont dû se recruter au cours des hostilités, et des cours d’instruction ont formé un grand nombre d’officiers mieux qu’utilisables. Il n’y a rien à changer à la technique de notre enseignement militaire.

L’organisation générale du commandement était bonne et on ne peut lui reprocher que la création du « groupe d’armées, » formation de circonstance qui doit disparaître avec les causes qui l’ont motivée. D’abord créé dans un dessein de coordination avec un état-major limité, cet organe a réussi à étendre ses attributions au détriment des armées, afin de justifier son existence. En période calme, le mal n’était pas grand ; mais il s’est révélé très aigu au cours des opérations actives : l’ordre quotidien, ou bien enregistrait les décisions du commandement local, ou bien les contredisait inutilement, car il arrivait toujours trop tard. Mais il y avait un matelas à peu près imperméable entre le Haut Commandement et les exécutants ; les directives générales n’étaient transmises que par fragments, et tel commandant d’armée, le plus activement engagé, n’a connu celles du maréchal Foch que par la lecture des articles de M. Louis Madelin dans la Revue.

La doctrine de guerre de l’armée française s’est trouvée presque toujours trop rigide et trop absolue. L’offensive à outrance du début, le scepticisme qui succéda aux déceptions et la recherche constante de la formule de la victoire paraissent bien résulter d’un enseignement trop limité à certaines campagnes, d’où l’on tirait des méthodes de combat qui ne tenaient pas assez compte de l’armement moderne et de la puissance de ses feux. Les principes de la doctrine offensive se trouvaient confondus avec les procédés vicieux de l’attaque sans préparation, dont l’échec jetait l’incertitude dans les esprits. Puis le caractère absolu de l’enseignement reparaissait dans la recherche ou l’emploi d’autres procédés : même le succès, parce qu’il n’était pas complet, ramenait le doute.

Dans le principal amphithéâtre de notre École supérieure de guerre, il faudrait graver cette phrase de Napoléon : « La tactique, les évolutions, la science de l’ingénieur et de l’artilleur peuvent s’apprendre dans les traités, à peu près comme la géométrie ; mais la connaissance des hautes parties de la guerre ne s’acquiert que par l’étude de l’histoire des guerres et des batailles