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Empires centraux. Mais la Bulgarie vaincue paraît avoir accepté de bonne grâce les conditions souvent rigoureuses que lui ont dictées les Alliés. Elle a souscrit aux pénalités qui ont été prononcées contre elle et que justifie sa coupable intervention dans la guerre. Avant même que le traité fût entré en vigueur, le gouvernement bulgare a procédé, avec une correction parfaite, à l’exécution des clauses principales. Comme l’a très justement dit M. Victor Bérard, les défaites les plus graves et les plus méritées peuvent n’être pas sans relèvement et sans pardon, si les vaincus savent chercher leur avenir sur les grandes routes du travail et du droit. Nos représentants et nos officiers nous affirment que les Bulgares essaient aujourd’hui de nous faire oublier leur conduite d’hier. Soit. Nous sommes tout prêts à oublier ; nous ne voulons connaître ni le ressentiment, ni la rancune ; nous demanderons toutefois à la Bulgarie de témoigner à ses voisins, qui sont nos amis et nos alliés, les Roumains, les Serbes et les Grecs, les mêmes sentiments qu’à la France ou à l’Angleterre, de ne conserver vis-à-vis d’eux aucune arrière-pensée, de renouer avec eux des relations sincèrement pacifiques et de ne plus jamais ranimer, par ses convoitises, l’incendie qui, de la péninsule balkanique, a gagné le monde entier et qui a failli le consumer.

Le traité avec la Bulgarie n’a été qu’un bref intermède dans les derniers débats politiques. Ce sont les arrangements de Spa et de Boulogne qui ont surtout retenu, avant les vacances, l’attention des Chambres. Devant les Communes, M. Lloyd George et son collègue M. Worthington Evans, ministre sans portefeuille, se sont efforcés d’établir que, si ces conventions étaient avantageuses pour l’Angleterre, elles étaient également utiles à la France. Leur démonstration n’est malheureusement de nature à convaincre personne de ce côté du détroit. Je ne reviens pas sur une question qui n’a pas été sans laisser quelque amertume dans le cœur de nos compatriotes. Ce qui est fait est fait. Mais le gouvernement britannique ne peut assurément se méprendre sur la signification du vote émis par le Parlement français. La commission des finances de la Chambre avait repoussé les avances destinées à l’Allemagne ; la commission des finances du Sénat s’est résignée à les admettre, mais avec quelles objections ! Les applaudissements ont crépité sur tous les bancs lorsque M. Chênebenoit, représentant d’un département dévasté, s’est écrié : « Si l’on nous réclame des concessions nouvelles, alors, non seulement nous ne vous suivions pas, mais ce sera l’atteinte irrémédiable, le coup mortel porté, dans le cœur du peuple de France, à