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général de Maud’huy essaya encore sans résultat, vers midi, de pousser en avant l’ensemble de son armée : tous les corps qui n’étaient pas attaqués devaient attaquer ; ceux qui l’étaient devaient attaquer dès que possible.

Le surlendemain soir, à Saint-Pol, je découvris sous un toit « mon bureau, » car j’avais un bureau… Au dehors, un beau soir d’automne idéalisait les bois à demi rouilles, un beau soir mélancolique qui tombait sur l’Artois où grondait la bataille, où nos braves gens mouraient dans les tranchées, où d’autres, en colonne sur les routes, rejoignaient le combat…

Nous avions fini par prendre la Chapelle de Lorette.

Le 10e corps avait été passé à la 2e armée dont le front allait au Nord jusqu’à la Scarpe.

Le 12, un ordre parut, fixant « des heures de bureau. » La seule distraction de la journée fut l’éclatement d’une bombe d’avion. A notre gauche on disait que les Anglais avançaient, et que Vermelles était fortement attaqué par les Allemands.

Après avoir perdu ce village, le général de Maud’huy chargea la 58e division de réserve qui venait de nous arriver en auto de le reprendre… Je me rappelle avoir assisté à l’attaque du 15 octobre, à la nuit tombée, devant Vermelles en flammes, à l’angle d’une maisonnette où crépitaient les balles, et où, à côté du colonel G. je regardais le combat qui continuait en pleine nuit. La ligne de tirailleurs était là, devant nous, dans un champ, nez à nez avec l’ennemi. Nos hommes tiraient sans savoir où, devant eux, à l’aveuglette, sur les lueurs d’incendie, où, parfois, il leur semblait que se profilaient les silhouettes des Allemands.

Je me rappelle aussi que vers la même époque je fus envoyé à Arras… Je retrouvais un Arras bombardé, brûlé, déjà à moitié détruit, les rues défoncées, l’Hôtel de Ville en ruines, la place bouleversée, les pignons à demi brisés et dressant encore leurs fines découpures autour du donjon. Celui-ci se profilait encore dans le ciel gris où des rafales d’obus éclataient autour d’un joli avion français qui évoluait sans s’en soucier.

Des sculptures, des colonnades, des précieuses boiseries, des riches ferronneries, comme des vieilles maisons qui entouraient la place, rien ne restait que des pans de murs et des ruines fumantes… mais restées françaises !….