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Conférence. Chacun d’eux s’imposait ainsi une tâche écrasante, au moment même où il avait à gouverner son pays dans la période difficile qui suivait la fin des hostilités. En outre, la prise de contact directe était pleine d’inconvénients.. Le recul était nécessaire pour juger des intérêts généraux au milieu des problèmes complexes qui se présentaient. Dans les discussions qu’il était facile de prévoir a l’avance, l’action des intermédiaires était indispensable. Dans cette lutte courtoise, un dispositif en profondeur s’imposait.

S’ils eussent été des diplomates, les négociateurs français se fussent moins étonnés de trouver que leurs contradicteurs avaient aussi complètement la tournure d’esprit de leur nation, et de constater qu’il ne suffit pas d’être de bonne foi pour que l’accord se produise dès le premier échange de vues. La diplomatie française s’était montrée d’une clairvoyance remarquable à Berlin et à Londres ; son action avait été très efficace en Italie des 1900 ; le prestige de la victoire augmentait encore le don de persuasion du maréchal Foch, qui s’était révélé dans les conseils des Alliés, tant civils que militaires. La France pouvait donc trouver facilement des plénipotentiaires, aussi bien que l’Angleterre et l’Amérique d’ailleurs.

Manquant de recul, se regardant les uns les autres et cherchant à se comprendre, les négociateurs ne voyaient rien du dehors. Ils ont méconnu que la base de la paix était avant tout dans la constitution d’une Allemagne pacifique, et qu’il suffisait pour l’établir de rendre aux peuples allemands le droit de disposer d’eux-mêmes, hors de l’hégémonie prussienne, qui s’est établie par la force en 1866.

Dès le mois de novembre 1916, M. Hanotaux avait, — ici même, — énoncé et démontré cette proposition dont il avait tiré toutes les conséquences : « La Prusse, écrivait-il[1], n’a aucune qualité internationale pour représenter seule les populations allemandes dans une tractation générale. Les États confédérés ayant gardé une partie de leur souveraineté, ou même leur autonomie diplomatique, auront accès, s’ils le jugent bon, dans les diverses délibérations et actes d’où doit résulter la paix : en tout cas, ils devront être expressément invités. »

Le fait d’imposer la paix au vaincu sans l’admettre à en dis-

  1. Voir la Revue du 1er  novembre 1916.