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pour soutenir sa gauche et relever sa droite. Alors, à 18 heures, le général de Maud’huy lui lâcha ses dernières réserves et me chargea de lui porter une lettre qui lui donnait la dernière brigade débarquée de la 45e division (brigade de Duisans), de même que le dernier groupe de l’artillerie divisionnaire de cette 45e division.

Le général commandant le corps d’armée provisoire disposait donc de toute la 45e division et de toute l’artillerie de cette division ; mais il ne devait employer la brigade de Duisans qu’à la dernière extrémité.

Le général d’Urbal restait en outre seul juge de l’opportunité d’arrêter ou non les transports et ravitaillements à Arras.

Je trouvai vers 18 heures 30 le général d’Urbal et le colonel Monroë dans leur petite maison du faubourg Saint-Sauveur ; et, toujours calme et souriant, le général d’Urbal me dit :

— Ma situation ? Dites au général de Maud’huy que « ça a tenu… mais sur la corde raide, sans une réserve. Il y a des gens qui ont brûlé jusqu’à leur dernière cartouche (le 236e) : mais à 17 heures, Bailleul tenait toujours. Ajoutez enfin qu’aujourd’hui le corps de cavalerie Conneau nous a rendu les plus grands services.

Quand, à 20 heures, je rejoignis le général de Maud’huy à Saint-Pol, il venait de se mettre à table, avec ses officiers.

— Eh bien ! En un mot ?

— La situation est excellente, mon général.

J’eus à peine lâché ce mot-là que tout le monde me regarda avec stupéfaction. Le lieutenant-colonel des Vallières souriait. D’autres visages se déraidirent.

— C’est bon ! Je ne veux pas en entendre davantage, me dit le général de Maud’huy, asseyez-vous, le reste importe peu…

L’ordre qu’il avait donné pour la nuit était le suivant : « Tenir partout. » Après le diner, je lui rendis compte en détail de ma mission, et nous reçûmes deux télégrammes intéressants.

L’un du général Brugère annonçant qu’il n’avait pu reprendre Bucquoy et avait perdu Puisieux-au-Mont. Les 81e et 28e divisions territoriales étaient particulièrement éprouvées. Le général Marcot avait été tué. La brigade mixte du 29e corps d’armée n’avait pas pu donner, et tout l’effort de la lutte avait été supporté par les territoriaux dont la fatigue était extrême.

L’autre télégramme était du général de Castelnau, qui