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de savoir si les deux partis de droite pouvaient fusionner. Les Nationaux-allemands avaient toujours considéré le parti populaire comme un allié. On parlait déjà d’un accord conclu. Toutefois, la majorité du parti populaire s’opposait à l’union et voulait que le programme du parti fût délimité à droite comme à gauche. Aussi, les Nationaux-allemands exerçaient-ils sur le parti la pression la plus violente. « Pourquoi, s’écriait la Kreuzzeitung, les deux partis ne s’allieraient-ils pas ? Les nationaux-allemands n’ont-ils pas défendu la liberté économique avec autant de vigueur que le parti populaire ? Stresemann a indiqué lui-même que toute la droite devait faire front contre le socialisme. » Au même moment, de nombreux transfuges quittaient le parti démocrate pour entrer dans le parti populaire et la majorité bourgeoise évoluait vers la droite.

Malgré ces invites, le parti populaire décida de garder son indépendance. Mais il se rapprochait nettement des nationaux-allemands. Il déclarait la guerre aux démocrates en raison de leur alliance avec le socialisme. Après avoir jusqu’alors reconnu la « république bourgeoise, » il admettait le principe monarchiste. La tactique de Stresemann était claire. Se croyant sûr de l’avenir, il se voyait déjà porté par les événements sans être obligé de s’engager dans le sillage des nationaux-allemands. Il attaquait la coalition gouvernementale, mais sans trop s’aventurer à droite. Il admettait la monarchie sans prendre la responsabilité d’une agitation réelle en sa faveur. Il se préparait à toute éventualité, coup d’Etat ou participation au pouvoir. Or, dans son parti, il y avait la majorité de l’intelligence allemande : professeurs, magistrats et grands industriels. Ceux-ci avaient tous des liens étroits avec le passé dont ils faisaient l’apologie, tout en critiquant le régime actuel. Ils étaient tous prêts à favoriser la restauration de cette monarchie qu’ils avaient tant aimée et qui d’ailleurs avait si bien travaillé pour eux. Le parti pouvait donc se livrer à une imposante manifestation en faveur des territoires occupés, attirer à lui les forces paysannes et l’Union des Agriculteurs, envoyer une adresse aux « Alsaciens-Lorrains » et un télégramme à Hindenburg, en lui disant que, « s’il y avait eu Leipzig après Tilsitt, il y aurait une victoire allemande après le traité de Versailles. »

Les nationaux-allemands jubilaient. Mais certains