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sur sa grève. Mais sa voix les suit, leur parle : elle est si vivante aujourd’hui ! On voit ses cloches danser : elles ballent là-haut, comme, à la danse, les lourdes robes bigoudens. Joyeuse sonnerie qui vole sur la plaine et sur la mer, mais qui ne doit pas aller bien loin sur les vastes champs fauves, sur l’immensité des champs bleus. Et chandelles en main, tous les corps penchés en avant, obliques, d’un pas étonnamment allègre, passe, passe, le troupeau des fidèles, les mammou koz édentées, ratatinées, les mères aux profils ovins, traînant leurs enfants en béguins couleur de lune ou de soleil, les grandes filles aux joues rebondies de chair fraîche, les triomphantes jeunesses, sages en ce moment, dociles à la religion, en attendant l’heure des danses et coquetteries, et les fillettes-infantes, tout le fervent, le fidèle peuple féminin, sexus dcvotus femineus, dit justement l’office d’aujourd’hui, dans la joie des grands rubans, dans le sérieux des noirs, dans le faste des ors, des vermillons, — les centaines de simples paysannes, toutes coiffées, harnachées suivant la règle.

Et maintenant, entre deux files cheminantes, où tremblent les étoiles des cierges, s’espacent les grandes bannières, portant la compagnie des saints, Ils flottent, règnent là-haut, mitrés, la plupart, et les bras ouverts pour bénir, entre la belle inscription brodée qui rappelle leur puissance : Pedit Evidomp[1], et celle qui proclame leurs noms. Je lis celui de saint Nona, principal patron de tout ce pays de Penmarc’h, venu d’Irlande sur une roche que l’on voit d’ici dans le Sud-Ouest, — celui de sainte Thumette, qui est puissante à Kerity. Au-dessus du mince et long ruban des fidèles, comme il s’allonge, le cortège des vieux saints ! Mais comme ils tanguent au vent de terre qui se lève ! Des hommes, têtes nues, les portent, de grands gas à caboches bigoudens, aux cheveux bas plantés, dont les traits montrent tous le type paysan et local. Par vent debout, c’est un rude métier qu’ils font là, les beaux garçons, penchés à droite, à gauche, redressés en arrière, les jambes et la poitrine tendus pour maintenir les larges bannières. Le pilotin, que je retrouve là, me dit : « Faut prendre des ris ! »

Ensuite, les statues. Et d’abord, debout, voguant au-dessus de son peuple, faisant sa promenade annuelle autour de son

  1. Priez pour nous !