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tenant le cierge et chantant l’Ave Maria Stella. Enfin, le Souverain Pontife apparaît au-dessus des têtes inclinées, vêtu de blanc, la tiare en tête, portant un cierge de la main gauche et, de la main droite, bénissant.

La lumière tremblante vogue sur la foule, dépasse le chœur, pénètre dans le presbyterium, s’arrête au fond de l’abside. Les évêques, au nombre de plus de quatre cents, se sont assis au milieu du presbyterium et leurs mitres de fin qui s’agitent font comme un vol de grands oiseaux blancs qui, de toutes les parties du monde, seraient venus se poser là.

Le Pape est descendu du siège. Il prie : puis, montant au trône pontifical, il apparaît à la foule qui le contemple, blanc sur le décor rouge.

Tous se sont rangés, par ordre et à leur place. Les chants se sont tus. Un silence indicible remplit la voûte aérienne ; et le drame commence.


Un homme vêtu de noir se détache de la cour, s’avance vers le trône, s’agenouille sur les premières marches. Sa voix s’élève ; c’est l’avocat de la cause : en latin il dit : « .Très Saint-Père, le révérendissime cardinal ponent de la cause (le cardinal Granito del Monte) ici présent demande avec instance que Votre Sainteté inscrive au Catalogue des Saints de Notre Seigneur Jésus-Christ et ordonne que soit vénérée comme Sainte, la bien heureuse Jeanne d’Arc. »

Alors commence cette lutte pathétique, accompagnée de supplications, de prières, d’instances renouvelées, où l’humanité postule, demande, adjure que cette fille des hommes soit accueillie, désignée, et poussée par l’Eglise elle-même jusqu’au rang des Saints. Trois fois les avocats reviennent à la charge, trois fois ils répètent leur instance de plus en plus pressante ; et, pendant ce temps, le Pape prie, le clergé prie, la foule prie. Les supplications s’élèvent et se renouvellent dans le rythme des litanies ; la Chapelle Sixtine qui, comme le chœur antique, exprime les sentiments de tous, clame et réclame ; elle invoque tous les saints : « Sainte Vierge, saint Pierre, saint Paul, saints qui avez mérité le ciel, entendez-nous, intercédez, approchez, tendez les mains ; déjà elle est près de vous ! »

Le Pape est silencieux. L’avocat revient à la charge, il développe les litres de la postulante. Il dit et répète pourquoi il est là.