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du général de Maud’huy : la décision était bien prise : nous attendions « tout » de l’attaque du 10e corps d’armée débouchant vers le Nord-Est sur les deux rives du Cojeul dans le flanc découvert de l’ennemi en marche. Nous comptions surprendre en flagrant délit de manœuvre tout le corps d’armée qui attaquait à ce moment la division Barbot, lui prendre presque toute son artillerie et lui faire 10 000 prisonniers.

Malheureusement les troupes du 10e corps en mouvement depuis le matin, et dont l’attaque était orientée par les ordres de 4 heures vers une tout autre direction, — le Sud Est, — étaient loin à ce même moment de comprendre la situation comme le général de Maud’huy venait de la concevoir. Il faut croire qu’il est bien difficile sur le champ de bataille de changer brusquement l’orientation d’un rassemblement d’un corps d’armée (artillerie et infanterie) lorsqu’il parait avoir été placé face à un objectif déterminé…

Il ne devait pas être loin de midi. La bataille faisait de plus en plus rage près de nous au Nord-Est et à l’Est d’Arras. Il devenait fort intéressant de savoir ce qui se passait à l’héroïque division Barbot dont la gauche ne devait plus pouvoir tenir longtemps à Monchy-le-Preux. Ce fut la première mission que je reçus du colonel des Vallières.

Le général de Maud’huy me chargea en outre de dire au général Barbot de tenir jusqu’au bout et de lui expliquer la manœuvre que le 10* corps d’armée allait exécuter.

— Qu’il tienne ! me dit-il, et dans deux heures le 10e corps tombera à l’improviste et en masse dans le flanc du 4e corps prussien. Qu’il tienne, et ce soir ce sera une éclatante victoire.

Je partis à midi, en auto, par Arras.

A Arras, je trouvai la population angoissée au seuil des portes, les boutiques déjà à moitié closes… Je tournai dans le faubourg Saint-Sauveur et pris la grand’rue qui se continue par la route de Cambrai. Des territoriaux, aux lisières de la ville, ébauchaient des tranchées de part et d’autre de la route. Deux files de blessés se dirigeaient à droite et à gauche, N sur les bas-côtés, vers la ville. Dans les champs, face à l’Est, des échelons d’artillerie étaient arrêtés en colonne.

A Tilloy, la canonnade grondait très violente, mêlée à un bruit de fusillade et de mitrailleuses intermittentes.

— Le général Barbot ?