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Je vois encore cette carte : au-dessous de la situation de la subdivision d’armée telle qu’elle résultait du renseignement précédent, un long trait au fusain marquait le front du reste de la 2e armée et des divisions territoriales, de Courcelles-le-Comte (au Sud d’Arras) à Ribécourt-sur-Oise. A l’Est de cette ligne étaient portées les colonnes ennemies reconnues par les avions ; d’après les derniers renseignements, leurs gros paraissaient s’être arrêtes en fin de marche dans la zone Mœuvres-Lagnicourt-Quéant, c’est-à-dire au centre du triangle Arras-Cambrai-Bapaume. Leurs avant-postes tenaient face à Arras la ligne de la Sensée, d’Ervillers à Vis-en-Artois. Devant eux, les avant-postes de notre corps de cavalerie et de la division Barbot tenaient la ligne du Cojeul, d’Hamelincourt à Monchy-Ie-Preux.


La situation était incertaine dans la vallée de la Scarpe.

A l’Ouest de notre front étaient portées nos disponibilités : Derrière la 2e année proprement dite (14e, 4e, 13e, 11e et 20e corps d’armée), rien. Derrière le groupe des divisions territoriales du général Brugère, le 10e corps encore disponible presque en entier : 20e division à Sailly-au-Bois, 19e division à Monchy-au-Bois.

Les officiers de liaison des différents corps d’armée venaient les uns après l’es autres exposer au général la situation de leur grande unité. Autant que je puis me le rappeler, leurs rapports étaient à peu près identiques et peuvent se résumer ainsi : « Nous avons été violemment attaqués tout le jour par un ennemi supérieur en nombre. Nous n’avons plus de réserves. Nous n’avons plus de munitions. Nos troupes épuisées ne tiennent sur le grand front où elles sont étirées à l’extrême que par un miracle d’énergie. Nous demandons des renforts. Nous demandons des munitions. »

Le général de Castelnau écoutait, impassible, sans répondre.

Le chef de son premier bureau vint rendre compte des disponibilités en munitions sur lesquelles on pouvait compter le lendemain pour l’ensemble de l’armée. Je ne me rappelle plus exactement le nombre des lots de munitions qu’indiqua le commandant de B… mais je me souviens que ce chiffre était très faible. Une bouchée de pain pour une armée affamée…

Le général Anthoine prit alors la parole pour faire valoir le danger que la 2e armée courait d’être percée en son centre.