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à mon bureau, mais, en partant, j’y laisse un mot pour le prier de remettre à M. Benoist ce dont vous l’avez chargé pour moi. M. Benoist me le fera parvenir à Bruxelles, et j’aurai tout aussitôt l’honneur d’en accuser réception à Votre Eminence. Mais, avant cela, je tenais à La remercier de ne nous avoir pas oubliés, en même temps qu’à m’excuser de ne lui avoir pas écrit depuis si longtemps ! Elle sait à quelles besognes je suis comme écartelé durant ces mois d’hiver ! Et elle sait aussi que dans les temps où nous vivons, on n’a, hélas, de Paris à Rome, rien à mander de bien consolant. J’ai d’ailleurs assez souvent des nouvelles de Votre Eminence, dont les dernières, m’ayant été apportées par Mgr d’Orléans, sont encore assez récentes. M. Goyau, qui doit être maintenant sur le point de son retour, m’en apportera, je pense, dans une dizaine de jours, de plus détaillées.

Je n’apprendrai pas à Votre Eminence le bruit que font ici les affaires de l’abbé Loisy, et les craintes de toute nature que ce bruit lui-même nous inspire. On ne peut notamment s’empêcher de regretter que la condamnation de ses erreurs, que naturellement on ne discute plus comme telles, ne soit pas moins sommairement motivée. Si Votre Eminence, à cet égard, pouvait obtenir quelques précisions, je ne sais sous quelle forme, mais d’un caractère public, on l’en remercierait sans doute comme d’un service signalé. Me sera-t-il permis d’ajouter, tout à fait confidentiellement, et comme qui dirait presque en confession, qu’on éprouve trop de joie, ici et là, de la condamnation du malheureux abbé pour qu’il n’y ait pas quelque vérité mêlée ou confondue dans ses erreurs mêmes ? Et c’est pourquoi, Monseigneur, si j’osais exprimer un vœu, je voudrais qu’après avoir déclaré plus nettement qu’on ne le fait que la Bible n’est pas un Livre comme un autre, ce qui est tout le débat, on essayât ou on nous laissât essayer de sauver du naufrage des livres de l’abbé Loisy ce qui peut-être mériterait d’en être sauvé.

Que j’aimerais donc être à Rome, ou entrevoir seulement le moment d’y aller passer quelques jours pour causer avec Votre Eminence de toutes ces choses, et de bien d’autres encore ! Mais, je crains, hélas ! que la facilité ne m’en soit pas donnée de quelque temps. Je n’en pense que plus souvent au séjour de la villa Volkonsky, et en priant Voire Eminence de me conserver dans sa bienveillance la place que je ne puis occuper aux portes de Saint-Jean de Latran, je lui renouvelle l’expression des