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bénéfice qu’assez tard, — c’est que ce Concordat tolérait dans les Eglises séculières et dans les communautés régulières, malgré le Pape lointain et mal informé et malgré les évêques, un particularisme, où les cupidités et les vanités individuelles trouvaient leur compte ; parce qu’il leur permettait, en esquivant tour à tour, tantôt les suggestions tracassières des laïques, tantôt les injonctions impuissantes de Rome, d’éluder indéfiniment, dans les églises comme dans les congrégations, les réformes que le Concile de Trente avait édictées et que la Contre-Réformation catholique exigeait. De là seulement provenaient les difficultés que la domination française avait rencontrées parmi les catholiques.

Ne laissons donc, pas dire, — non parce que nous le désirons, mais parce qu’il n’est pas vrai, — qu’à Metz, au XVIIe siècle, un Français, venant d’une autre région du royaume, se sentit dépaysé. L’apprentissage que fit Bossuet à Metz devait forcément y être et il fut aussi fécond, pour un futur associé du gouvernement nouveau, qu’il eût pu l’être dans n’importe quel diocèse du royaume.

N’oublions pas enfin que cet apprentissage se prolongea, ainsi qu’on vient de le voir, après son départ de Metz, bien plus tard que 1659, — jusqu’en 1669, jusqu’à, l’année qui précéda sa nomination à l’épiscopat de Condom et son entrée dans la charge de précepteur du fils du Roi. Tout en acceptant des besognes parviennes, il continue de suivre ce qui se fait à Metz, et non pas seulement en spectateur, mais en acteur ; — ménageant avec souplesse et fermeté, l’évolution qui, là comme ailleurs, s’imposait et s’accomplissait dans l’ordre spirituel et dans l’ordre temporel tout ensemble. — Durant ces dix années à partir de 1659, où son expérience et son autorité parisienne s’établissaient, son expérience et son autorité provinciale s’entretenaient toujours.

A tel point que l’on peut raisonnablement supposer que, si Georges d’Aubusson de la Feuillade, évêque nommé, eût, pour une raison quelconque, fait défaut, Jacques-Bénigne Bossuet, Vicaire-général postulé par le Chapitre, délégué du Chapitre auprès du prélat, eût pu facilement devenir évêque de Metz.


ALFRED REBELLIAU.