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Dans le peuple, Bossuet ne rencontrait pas à Metz plus d’insubordination à l’obéissance monarchique, qu’il n’en avait vu de ses yeux en Bourgogne chez les vignerons de Seurre, qu’il n’en aurait rencontré chez les paysans parlant patois de Bretagne ou de Provence. Dijon vers 1650, Marseille en 1661, Rennes vers 1670, lui eussent offert bien plus souvent des séditions populaires que cette ville de Metz, où, pendant tout le temps qu’il y resta, il n’y en eut qu’une, sauf erreur : en 1661, une de ces séditions fiscales comme les impôts indirects en soulevaient partout — sédition dont le Conseil du Roi ne paraît pas s’être fort ému et qui du reste était peu justifiée. Car dans ce moment même le jeune souverain prenait pour le soulagement des Lorrains des mesures intelligemment charitables[1].

Le monde religieux au milieu duquel Bossuet se mouvait, était peut-être la partie de la société lorraine où l’unification monarchique s’opérait avec le moins d’aisance. Mais pourquoi ? Etait-ce pour une de ces raisons mystiques qui créent et qui perpétuent, entre des populations imprudemment rassemblées par la diplomatie, des répulsions impondérables, et invincibles ? Nullement. Ni les catholiques des Trois-Evêchés ne se sentaient plutôt en communion d’idées avec ceux du Saint-Empire, qu’avec ceux de France, — ni les protestants. Les protestants, passés du Luthéranisme au Calvinisme, s’étaient par-là, au contraire, rapprochés de nos protestants français ; et tout l’honnête entêtement de Paul Ferry, palabrant indéfiniment avec des professeurs d’Allemagne, sur des « formules de concorde, » n’avait pas avancé d’un pas la « réunion » de l’Eglise calviniste messine française avec les églises luthériennes allemandes du Rhin ou d’outre-Rhin. Les Messins réformés s’en allaient à Sedan, à Saumur et à Nîmes, ou à Genève ; ils tournaient le dos à Wittemberg et à Iéna.

Quant aux catholiques du pays, il n’y avait pas chez eux d’autres mécontentements que ceux qui se produisaient sur d’autres points de la France où les autorités ecclésiastiques se souvenaient d’avoir, au moyen âge, régenté la cité. Si une certaine partie du clergé messin se réclamait de ce Concordat germanique de 1418. — dont du reste Metz n’avait revendiqué le

  1. Jean de Boislisle, Mémoriaux du Conseil du Roi de 1661, t. I, p. 163, 202. Cf. t I, p. 94-95 ; p. 186, p. 190, p. 282 ; II, 262 ; III, 19, 28, 74.