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Ses vues, elles sont bien celles dont s’inspire l’évolution, en train depuis deux siècles, du cénobilisme féminin. D’abord un relâchement décidé, un rejet cavalier de la Règle importune. Dans la lassitude du moyen âge finissant, dans l’élégance de la Renaissance qui amollit tout, la faiblesse féminine recule devant le christianisme total, devant la mortification de la chair. Pour rendre le courage au « sexe dévot, » il faudra le coup de barre des Carmélites et de la Visitation.

Puis, c’est l’exclusivisme aristocratique. Ces couvents, que les piétés ou les paniques populaires ou bourgeoises du moyen âge ont si richement pourvus, — que surtout les seigneurs ont comblés, dans leurs expiations, avec magnificence, — n’appartiennent-ils pas virtuellement à ces familles nobles qui les fondèrent ? Ne sont-ils pas des domaines tout trouvés pour les filles en surplus, pour les cadettes déshéritées ?

D’où les projets de Louise de Foix. Elle est, mieux que personne, préparée à approuver la main-mise de l’aristocratie sur les couvents de femmes. Elle est de cette famille de Foix, grande famille de petite noblesse, caractéristique de la féodalité languedocienne et gasconne, indigente, arriviste. Fidèle invariablement au roi de France, cette noble tribu s’entend à en tirer parti. Et elle en tire parli depuis ce Gaston Phœbus à qui la reconnaissance du roi Philippe VI avait conféré presque tous les pouvoirs princiers, mais surtout depuis que, par la grâce du roi Charles VII, le comté de Foix, est passé pairie. Mais que de rameaux dans cette maison et de branches gourmandes ! Les Castelbon, les Rabat, les Conserans, les Mardogne, les Lautrec, les Meilles, les Curbon de Fleix, les Rendan, les Donazit, les Gerderest, — sans compter ces comtes de Candalle et d’Astarac, captaux de Buch, qui sont la branche d’où Louise est sortie par son père, et ces Grossolles, barons de Mondastruc et de Flamarens, d’où elle est issue par sa mère. Parmi tous ces castels, manoirs, gentilhommières, que de cadettes à pourvoir ! Et l’on sent le plan très simple de Louise et son bon cœur : elle veut que son couvent soit un débouché pour ces filles nobles, à qui le Roi, que servent bien leurs pères et leurs fières, dont le vivre et le couvert.

De là sa prétention de n’y admettre que des filles nobles. De là son dessein de réduire son monastère à n’être plus qu’une collégiale féminine, une sorte de chapitre noble. Au