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dont l’origine, plus ou moins légendaire, était tellement vénérable et symbolique qu’elle aurait dû les préserver des décadences fâcheuses. Si jamais s’étaient manifestées naïvement, héroïquement, les grandes idées et passions génératrices du monachisme chrétien, — le défi à la nature et au monde, l’arrachement au siècle des âmes pures et, si l’on peut dire, leur rapt par l’Eglise jalouse, — c’était dans l’aventure de la vierge Glossinde.

Glossinde, ou Glossine, ou Glodesinde (Augustin Thierry eut écrit Chlodesinde) était — (je résume l’essentiel des légendes et j’en combine les variantes), — la fille de l’un des principaux seigneurs de la cour d’Austrasie, que les chroniques appellent le duc Wintron, au temps d’un Carloman, d’un Childebert ou d’un Childéric quelconque, au VIe ou au VIIe siècle. On veut la marier à un jeune gentilhomme de grande naissance, nommé Obolen. Elle a résolu de consacrera Dieu sa virginité ; elle résiste, temporise, se dérobe, et Dieu permit, dit un vieux biographe, « que le dessein de ce mariage se rompit par une « disgrâce » survenue à Obolen : « sur quelques soupçons, arrêté par l’ordre de la cour, il perdit la tête sur l’échafaud. » Il semble bien, d’après les textes, que les plaintes de la récalcitrante fiancée furent pour quelque chose dans cette « disgrâce » et que « la cour » punit Obolen d’avoir voulu garder sa femme.

A une nouvelle tentative des parents de Glossinde pour la marier, même résistance. Glossinde ne veut point de ces maris humains, qui ne sont « que pourriture, vermine et poussière. » Cette fois, elle se réfugie dans la cathédrale de Metz, dans la basilique du protomartyr Etienne, lieu d’asile. Son père le duc, homme redoutable même aux puissants du pays, l’y vient assiéger, minax et terribilis, avec une troupe armée, nuit et jour. Six jours elle soutient le siège, sans aliments : Dieu lui en envoyait d’invisibles. Le septième, tandis qu’elle embrassait l’autel en suppliante, on vit une forme de visage angélique, escortée de deux beaux enfants, descendre des cieux, et envelopper la tête de Glossinde d’un nuage, comme d’un voile virginal intangible. Elle avait vaincu. Son exemple prouvait, comme dit le vieil hagiographe, que « les filles qui ne sont pas séduites par l’éclat des fêtes, par les vastes domaines et les parures, sont grandement louables de ne pas se laisser enchaîner aux liens conjugaux. »