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ainsi que le remarque justement M. Jovy, — « avait été aussi reconnue juste et utile par Charles IX, par Henri III, par Louis XIII. » A coup sûr, l’intrusion de prêtres séculiers dans les bénéfices d’un Ordre était un abus. Et un casuiste de Port-Royal n’eut pas donné raison à Bossuet sur ce point.

En tout cas, Du Laurens essayait de dessaisir le Grand Conseil, « à qui, régulièrement, les causes de Cluny étaient commises, » mais qui avait fait gagner Bossuet. La manœuvre faillit réussir. Sous prétexte que le doyen de Metz « comptait un certain nombre de parents parmi les magistrats du Grand Conseil, » le Conseil privé, par arrêt du 18 juillet 1664, défendit au tribunal suspect de passer outre. Bossuet dut, par une nouvelle requête, prouver que les parentés à lui objectées étaient inexistantes, et obtenir du Conseil privé un deuxième arrêt (2 août 1664) qui laissait au Grand Conseil la connaissance et la décision.

Ce combat acharné, ses vicissitudes, l’incertitude de l’issue nous expliquent la requête au Chancelier Séguier dans laquelle on voit Bossuet user à son tour des influences dont il pouvait disposer. Il est membre de la Compagnie secrète du Saint-Sacrement, — dont le Chancelier Séguier fait d’ailleurs partie. — Le comte d’Albon, chevalier d’honneur de la duchesse d’Orléans, l’abbé de Montaigu, alors grand aumônier de la Reine d’Angleterre, en sont membres aussi. Bossuet connaît, sans doute, particulièrement le comte d’Albon, par Rancé, son beau-frère. C’est à lui qu’il envoie, pour être remis à Montaigu, qui lui-même le transmettra à Séguier, le placet significatif que MM. Urbain et Levesque ont retrouvé. Et l’on voit que, contrairement à ce qu’a pu croire jadis Floquet, le doyen de Metz ne se désintéressa point de l’affaire. Ses ressources diverses, disons-le tout de suite (nous aurons lieu d’y revenir), étaient au total, malgré leur chiffre en apparence élevé[1], assez modiques, et surtout, assez précaires, pour qu’il ne pût dédaigner un revenu de six mille livres. Mais ce qu’on aperçoit surtout, dans cette supplique courte, nette, et vive, — c’est je ne sais quelle nervosité, si je ne m’abuse[2]. Ne peut-on

  1. Jovy, opuscule cité, p. 4, 12, 43, 65, 67, 70.
  2. Je dois dire que d’autres critiques, qui. Prennent étrangement au sérieux ces grosses puérilités de la chicane d’alors, subodorent en ce document en fronçant le sourcil « un certain embarras » de Bossuet, une sorte de prudence et de « gêne à s’expliquer ! »