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infection ? » Le sieur Bossuet a pourtant, en grande hâte, « fait écrire par Fournier, médecin, à Taillefer, apothicaire à Château-Thierry, de lui envoyer au Charmel des drogues aromatiques. » « Et il a brûlé la lettre ! » Pourquoi l’a-t-il brûlée, cette lettre, sinon pour supprimer la preuve de l’embaumement ? Cet embaumement scélérat fut pratiqué sur le cadavre « encore tout chaud. » Et, si l’on ajoute que « pendant quatre jours au moins à partir de l’Extrême Onction, » l’entrée de la chambre du défunt a été interdite, et que postérieurement à la mort, « on a porté » ostensiblement, dans l’appartement du défunt, » pendant plusieurs jours « des bouillons et des gelées » pour faire croire qu’il était encore vivant, dans l’un ou l’autre cas, le crime est patent.

On pense bien que cet amas d’inductions et d’interprétations hypothétiques, jetées les unes par-dessus les autres — alors même qu’elles se contredisaient, — par la sophistique inventive des L’Intimé et des Petit-Jean du barreau, n’émut pas la justice. Le Grand Conseil n’eut pas de peine à se rendre compte que Bossuet, « résignataire par démission, » avait « le droit le plus apparent, » et, par « arrêt du 31 mars 1662, lu le 19 mai suivant, » il lui accorda la possession provisoire du bénéfice[1]. Quant à l’exhumation du corps, réclamée par le demandeur, le juge la refusa sagement, Bossuet n’ayant jamais nié que le corps avait dû être embaumé. Très légitimement donc, en mai 1662, le doyen de Metz devenait doyen de Gassicourt.

Mais un procès pour « résignation irrégulière » qui ne durât qu’un an, cela ne se voyait point au XVIIe siècle. De plus, Bossuet avait des adversaires acharnés. « Un certain conseiller Hervé, de la troisième chambre des Enquêtes du Parlement de Paris, n’épargnait rien pour faire triompher Cluny, auquel il était tout dévoué, » — dévoué par intérêt personnel, comme le fait observer Bossuet dans une requête de 1664. — Enfin, ainsi qu’on l’a remarqué avec raison, « à ce moment le nom de Bossuet était loin d’être en faveur » dans le public. Il n’y avait pas très longtemps qu’un des cousins de l’archidiacre de Metz, — Jacques Bossuet, — avait été condamné successivement au Châtelet, à l’Officialité de Paris et au Parlement de Grenoble, sur requête d’une certaine demoiselle Roussel qui prétendait avoir

  1. Jovy, p. 9, 10.