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Mais Bédacier ne s’était décidé qu’à la veille de son dernier souffle, et la résignation in extremis n’était pas légale : cela se comprend. Trop tardivement généreux, Bédacier avait donc dû, sur son lit de mort, donner sa démission pure et simple. Seulement, de cette démission d’un bénéfice régulier, congréganiste, un régulier seul pouvait profiter. C’est pour cela qu’il avait fallu que les conseillers de Bossuet, — ou lui-même, — recourussent à un tiers, — à cette « personne interposée, » qui a de tout temps sauvé tant de situations, justes ou injustes. — Bossuet se découvrit, non loin de Château-Thierry, à Chalon-sur-Saône, un cousin germain du côté maternel, religieux bénédictin. Dom Jacques Droüas de la Plante accepte d’être le moine « homme de paille » qu’il fallait : ce fut en sa faveur que Bédacier démissionna. Immédiatement, partant en poste, Jacques Droüas vient présenter cette démission à Mazarin qui lui accorde sur-le-champ des « provisions » en forme. Bédacier était mort le 19 octobre : « dès le 20, dom Droüas sollicitait des bulles à Rome, mais alors non plus pour lui-même, mais pour Bossuet, » déclarant n’avoir accepté du défunt prélat ce bénéfice que pour le « résigner » à l’archidiacre de Metz. Tout ce manège n’avait nullement scandalisé le Saint-Siège : il en voyait bien d’autres.

Seulement cette procédure ingénieuse n’était pas faite pour décourager la chicane. C’est ce que nous montrent avec surabondance les factums que l’on a publiés ces derniers temps. Et ils nous montrent aussi que Bossuet, malgré son talent, malgré sa vertu, malgré sa situation officielle grandissante, n’imposait pas du tout à ses adversaires autant de respect que ses dévots le pourraient présentement souhaiter. Un seul d’entre eux, dom Paul de Hancher, fait l’aumône de quelques compliments à l’orateur du Carême de 1662 : « L’abbé Bossuet est notre ennemi le plus redoutable… Il porte sa recommandation avec lui ; il est prédicateur ; ses mœurs sont exemplaires ; la vertu est peinte sur son visage. » Mais c’est un simple salut en passant, et le reste du factum de dom Paul de Hancher n’est pas moins vif contre le doyen de Metz qu’il ne l’est contre ses autres concurrents : dom André de Cugnac-Imonville, dom Gouin, dom Charles Fourdrinière, ou dom du Laurens. Quant à Dom Pierre du Laurens, prieur du prieuré-collège de Cluny, docteur en théologie de la maison de Sorbonne, futur évêque de