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par une main forte. Nos ennemis ont bien su ce qu’ils faisaient quand ils ont exigé la destitution des monarchies allemandes, notre renoncement au militarisme, à cette école d’énergie virile qui discipline la jeunesse. Les successeurs de Bismarck ont gaspillé son magnifique héritage. Si, à la veille de la guerre, - les sacrifices nécessaires avaient été consentis pour l’armée, le plan réussissait et la France était écrasée avant que la Russie ait pu venir à son secours. Le peuple allemand, dépourvu de maturité politique, ignore qu’il n’y a pas de liberté sans puissance. » Au récent congrès des nationaux-allemands, les orateurs les plus influents ne disaient-ils pas à peu près ceci ? « La Prusse et les Hohenzollern ont fait la grandeur de l’Allemagne ; il faut donc qu’ils reviennent au pouvoir ; unissons-nous au nom du sentiment national, du vrai christianisme et de l’idée monarchique. »

On ne manquera pas, le cas échéant, de célébrer le souvenir des pangermanistes les plus notoires. La Täglische Rundschau du 5 juillet 1919 consacrait un article à Paul de Lagarde, l’ennemi de Bismarck, qui reprochait à l’effort prussien de n’être pas assez ambitieux et universel. « De Lagarde avait, dit l’article, la foi qui transporte les montagnes, un ardent amour pour cette Allemagne qui est « le cœur de l’Humanité. » C’était un « messager de Dieu. » Sans doute, de Lagarde a critiqué l’ère bismarckienne, cette ère qui maintenant nous apparaît comme le paradis perdu. N’avait-il pas raison ? N’avait-il pas compris quelle malédiction pèse sur le peuple allemand égoïste, particulariste, dépourvu d’esprit national ? De Lagarde a eu la nostalgie du moyen âge, comme celle du despotisme éclairé de Frédéric II. » Suit l’apologie des deux éléments essentiels de la tradition pangermaniste : l’idéal d’organisation et le despotisme éclairé.

Mais cela ne suffit pas. Il faut un programme précis d’expansion mondiale. Les grandes lignes en sont déjà dessinées. Il faut que l’Allemagne contrebalance la supériorité anglaise par une entente avec les territoires de l’Est, par un bloc de 200 millions d’habitants de l’Europe centrale et orientale, unis par la communauté de leurs intérêts. Pour atteindre ce but, il faudra : 1° hâter la révision du traité, en particulier de ses clauses territoriales et économiques ; 2° rattacher à l’Allemagne l’Autriche allemande et les pays danubiens ;