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sociale et pût alors opposer à la politique anglo-américaine une politique germano-continentale qui lui fût supérieure, aux yeux de l’Entente comme dans la pensée des neutres et des pacifistes fascinés par la formule wilsonienne de la Société des Nations. C’était, disaient-ils, le seul moyen d’empêcher les impondérables moraux de peser toujours en faveur de l’Entente dans le sentiment de tous les peuples.

Ainsi, à la veille de l’armistice, de nouveaux aspects de l’impérialisme commençaient à apparaître dans la pensée allemande. On parlait de « conquêtes morales. » Cette idée, nous la retrouverons souvent dans cette Allemagne contemporaine qui subit une crise si intense. Dans cette vaste transmutation où sombrent, en apparence du moins, tant de valeurs périmées et où naissent tant de valeurs encore inconnues, il semble que, parmi les traditions du passé, le seul pangermanisme, loin de disparaître, s’enrichisse au contraire de nuances nouvelles. En fait, l’esprit pangermaniste, tel que nous l’avons défini, n’est absent d’aucun des partis, d’aucune des classes sociales qui, à l’heure actuelle, luttent dans cette singulière arène qu’est l’Allemagne révolutionnaire.

En particulier, l’extrême droite, qui comprend le parti national allemand et le parti populaire allemand, c’est-à-dire les anciens nationaux-libéraux de droite et les conservateurs, semble n’avoir rien abandonné de son programme d’autrefois. Toujours le même ton. Toujours le même mépris de la France et de l’Angleterre. Toujours les mêmes attaques contre la démocratie et le socialisme, que l’on rend responsables et de la défaite militaire, parce qu’ils ont infecté l’armée et les masses populaires, et du traité de paix, parce qu’une fois maîtres de l’Allemagne après le 9 novembre 1918, ils ont inspiré à l’Entente cette crainte du bolchévisme et du socialisme allemands qui l’a rendue si impitoyable.

On sait que le Comité central de la Ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband) a tenu ses assises à Berlin, le 31 août, pour la première fois depuis la défaite. Le fameux Class y, a réclamé le rétablissement de la monarchie impériale. D’autres ont parlé de déclarer la guerre aux Jésuites comme aux Juifs. Quant aux grandes lignes du programme, on les devine : reprendre, morceau par morceau, les territoires perdus, unir à l’Allemagne tous les pays germaniques d’Europe, en