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intellectuels ont été les créateurs de l’idéalisme moral le plus élevé. Les chefs de notre politique doivent aussi être issus du peuple. Mais il faut que nos vertus nationales, notre caractère, notre âme, notre éthique, avec tous ses principes, aboutissent à la politique… Les autres peuples européens ne sont point aptes à cette tâche : l’Angleterre. Imbue d’un idéal de puissance, a fait de l’éthique une doctrine militariste platement égoïste ; la France, une doctrine frivole de sensualisme et d’hédonisme ; l’Italie, une affirmation de l’émotivité. Quant à l’Amérique, elle partage aussi en général l’utilitarisme et le pragmatisme anglo-saxons… L’Allemagne seule est le pays de l’idéalisme et le peuple allemand est resté un peuple d’idéalistes… Le principe moral peut et doit être une source de prospérité dans les rapports des peuples, si l’Allemand s’en pénètre, l’Allemand avec ses tendances d’abnégation et d’altruisme, avec son sens pour l’humanitarisme vrai et sa foi profondément entrainée en l’ordre mural universel.


Qu’a-t-il donc appris, ce professeur, de la défaite et de la révolution ? Les considère-t-il comme de simples « accidents » au cours de l’histoire de l’Allemagne ? Les événements de novembre 1918 à août 1919 ne lui ôtent pas l’envie de soutenir des thèses qui couraient la presse pendant l’été de 1918. En ces mois tragiques, qui virent l’effondrement progressif de l’armée allemande, les pangermanistes n’abandonnaient pas leurs théories. La plupart regrettaient qu’on eût déclaré la guerre trop tard. De plus modérés, tels que Delbrürk et Rohrbach, pressentaient sans doute la catastrophe finale, quand ils protestaient contre le pangermanisme outrancier, obstacle à la paix honorable. Ils réclamaient un coup de barre à gauche, le rapprochement avec Wilson, dont il fallait accaparer pour l’Allemagne le prestige moral. Ce même Rohrbach qui, en juin 1918, conseillait à l’Allemagne de monter à l’Est, après l’effondrement de la Russie, une grande entreprise politique et morale, disait, un mois après, qu’il fallait renoncer spontanément à la Belgique et rompre avec le pangermanisme pour créer une atmosphère favorable en poursuivant la guerre avec des armes morales, en attaquant l’ennemi dans la conscience même de son bon droit, en jouant à l’Est un rôle libérateur qui pût rapporter des bénéfices ! Quant aux socialistes, ils déploraient qu’on n’eût pas conclu avec la Russie vaincue une alliance durable contre laquelle se fût brisé l’impérialisme anglo-saxon. Ces bons apôtres souhaitaient que l’Allemagne devînt une démocratie