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Angleterre, toutes les grèves que nous voudrons. Maîtres du marché international ouvrier, nous serons les maîtres de l’ordre social nouveau créé par la guerre. »

Le pangermanisme a-t-il, dans la catastrophe de 1918, sombré avec les valeurs du passé que le peuple allemand semble avoir pour toujours liquidées ? Tel est le problème à résoudre.

L’observateur superficiel pourrait le croire. Il n’est pas de jour où la presse socialiste ou démocrate n’invective ces « Alldeutschen, » directement responsables de l’effondrement. Les partis qui avaient autrefois le monopole du pangermanisme ne jouent plus, en apparence, qu’un rôle secondaire. Ils se tiennent à l’écart, dans une attitude boudeuse. Leur âpre et violente critique de la politique actuelle paraît toute négative. Les partis au pouvoir les enferment dans le terme méprisant d’ « extrême droite, » qu’ils opposent à l’ « extrême gauche » socialiste, pour bien marquer qu’ils veulent une solution modérée, aussi éloignée des innovations sociales réclamées par les uns que de la réaction nationaliste préparée par les autres. De la politique générale suivie par les socialistes majoritaires, les démocrates et le Centre, politique d’ailleurs anti-révolutionnaire, hostile aux mesures radicales et aux bouleversements subits, éprise de réformes progressives, il semble donc que l’ancienne tradition pangermaniste soit écartée. Reléguée au second plan, aurait-elle quelque espoir de reviviscence ?

Sans doute nous n’ignorons pas que la réaction monarchiste et militariste se prépare depuis longtemps, que le corps des officiers s’agitera toujours, que le spectre de Bismarck sera souvent évoqué par certaine presse. Mais, quels que soient son scepticisme ou ses craintes à cet égard, l’opinion publique étrangère a une tendance naturelle à identifier le sort de cette réaction avec celui de l’ancien pangermanisme. Elle conclurait volontiers que, si le vieil idéal pangermaniste n’est pas mort et s’il dispose de moyens encore assez puissants, du moins est-il trop discrédité pour pouvoir dominer la masse allemande et faire refleurir les rêves d’hégémonie mondiale.

D’autres symptômes pourraient d’ailleurs nous faire illusion. La détresse économique de l’Allemagne parait réelle et profonde. A lire les commentaires de la presse sur les grèves, la crise du charbon et celle des chemins de fer, on se convainc aisément de l’inquiétude qui règne dans tous les milieux. Si