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Nous l’avons vu soudain sur cette place étroite,
Eblouissant et calme à l’image de Dieu,
Paraître, et lentement, aligné sur sa droite,
Tourner comme une roue autour de son moyeu.

Deux noms faisaient le bruit que font les avalanches,
Deux grands noms brefs et familiers :
Nous regardions entre les branches
Venir de front deux cavaliers.

Tous deux tenaient en main, appuyé sur la cuisse,
Un bâton d’un bleu noir comme un ciel étoilé.
L’un montait un cheval paisible et pommelé,
L’autre, un étalon bai tout humeur et caprice.

Joffre et Foch s’avançaient dans un rectangle clair,
Au son des tambours et des cuivres,
Mais, quoique près de nous, Foch avait déjà l’air
Lointain qu’il aura dans les livres.


* * *


Déjà tel un aïeul
Sur qui s’amasse l’ombre,
O toi qui t’en viens seul,
Hors du rang, hors du nombre,

Maintenant du jarret
Ton cheval en sa voie,
Au sein de notre joie
Tu gardes ton secret.

Que ta face pâlie,
En ce matin d’été,
A de mélancolie
Et de sévérité !

Qu’importe la démence
Qui hurle au carrefour,
Qu’importe notre amour
A ta fatigue immense !