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Le jour qui n’a pas lui va naître,
Cette fois nous en sommes sûrs.
Paris te guette à sa fenêtre,
Premier malin des temps futurs !

Levons-nous ! hâtons-nous ! c’est l’heure !
Les morts nous montrent le chemin :
Celui-ci défend qu’on le pleure,
Celui-là nous prend par la main.

Dans l’ombre brille autour des casques
Et des képis le laurier d’or ;
Quelques-uns ont gardé leurs masques
Comme s’ils combattaient encor.

Tous les passants ont dans les rues
Des compagnons qu’ils ne voient point.
Péguy de paroles bourrues
Nous gourmande, l’épée au poing :

— Au pas, dit-il, levez la tête !
Ce n’est pas jour d’enterrement,
Mais fin matin de grande fête,
De sacre et de couronnement !

Car nous voici, rois sans carrosses,
Sans postillons ni chevaux blancs,
Avec nos chiffres sur nos crosses,
Avec nos médaillons sanglants !

Saluez ! un âge se ferme,
Un autre s’ouvre, mes amis,
Laissez au grain le temps qu’il germe
A la place où nous l’avons mis. »

Ainsi nous parlions dans la brume,
Eux et nous. L’aube se levait.
Les amants faisaient du bitume
Leur domicile et leur chevet.