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Un biniou comme au village
Doucement nasille, étouffé
Dans l’ombre d’un petit café.

Le bruit d’un carambolage
Rejaillit sur le trottoir.

Partout l’asphalte est noir
Comme un livre sans marge.
L’Avenue en long et en large
Appartient au piéton.

La voix d’un mirliton
Vibre comme un écho des vieilles mi-carêmes.
Parmi les drapeaux neufs, quelques drapeaux déteints
Semblent vouloir unir par des efforts suprêmes
Les honneurs de ce jour à ceux des jours lointains.


* * *


Que respire-t-on dans cette poussière
Qui peut nous griser ainsi ?
Sous l’apparence grossière,
Qu’est-ce qui triomphe ici ?

De toutes parts la France afflue.
Le canon ennemi salue
Très bas nos grêles marronniers,
El la province et la banlieue
Sur les bancs ouvrent leurs paniers.

Jamais chemin d’eau bleue
N’a miré plus d’orgueil
Que celui qui descend de Bercy vers Auteuil.
Jamais l’arche des ponts n’eut cette courbe sûre,
Ni la ligne des quais ce trait solide et fin.
Tout atteste en ces jours que la vieille blessure
S’est refermée enfin.