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Quatre années durant, sans un jour de relâche, Georges Goyau fut sur la brèche. À la question qu’il faut poser à tout Français : « Qu’avez-vous fait pendant la guerre ? » il pourra répondre qu’il aura contribué à sauver plus d’une vie française ; et celles qu’il n’aura pu sauver, son inlassable charité aura su leur adoucir leurs derniers moments. Non content d’administrer avec son habituelle et scrupuleuse conscience un hôpital auxiliaire, il apportait sa précieuse collaboration aux services de la Croix-Rouge. Cette vie toute nouvelle pour lui, toute pleine d’humbles devoirs quotidiens, et comme fondue dans le sacrifice anonyme de la collectivité française, avait interrompu tous ses travaux commencés. Il avait à peu près renoncé à écrire. Les trois ou quatre articles qu’il a pu, en prenant sur ses veilles, par un rude effort de volonté, rédiger en marge de ses absorbantes occupations, sont encore des actes, et des actes de guerre. Sans abdiquer la méthode historique, il dénonçait les capitulations successives des catholiques allemands devant les prétentions antichrétiennes de l’Empire évangélique, les hypocrites menées germaniques qui, sous couleur d’exploiter les divisions entre Flamands et Wallons, avaient pour objet de rompre le front intérieur de la Belgique amie et alliée ; il mettait en un vigoureux relief le rôle de l’Église de France pendant la guerre ; enfin, il dressait en pied la haute et noble figure du cardinal Mercier. Aucune déclamation dans ces pages ; une grande objectivité de manière, de méthode et de ton ; mais, au frémissement involontaire de certaines phrases, on sent la vibrante émotion qu’elles recouvrent. Plus que personne, l’historien du Vatican a compris que la guerre qui a désolé notre sol était, dans son fond, une véritable guerre religieuse, et que ce qu’elle a mis ou remis en question, c’est l’avenir même de la civilisation chrétienne.

Cette civilisation encore une fois sauvée, non pas uniquement, mais principalement par la France, il s’agissait de dissiper certains malentendus qui, au cours, des siècles, mais plus particulièrement dans les dernières années, s’étaient glissés entre la « nation apôtre » par excellence et l’Église catholique, malentendus qui expliquent, sans toutefois la justifier complètement, l’attitude de certains catholiques neutres à l’égard de la France pendant la guerre. Ce fut l’objet du petit livre intitulé : Ce que le monde catholique doit à la France. Il s’agissait, d’autre