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sarcophages et les baptistères de Tipasa, parmi les statues et les inscriptions funéraires ou dédicatoires du musée de Cherchell, ou encore et surtout sur le forum de Thimgad, au milieu des temples, des colonnades et des portes triomphales…

Et ces idées réapparaissaient encore une fois comme la conclusion esthétique et logique de toute mon œuvre africaine, ce printemps dernier, lorsque je confrontais mes souvenirs, lorsque je raccordais au passé paisible le présent tumultueux, sous les bellombras du jardin Marengo, au pied de la colonne élevée par un grognard à la gloire « des braves de la vieille et de la jeune armée, » en commémoration du 15 juin 1830.


Depuis ce temps-là, quatre-vingt-dix ans seulement se sont écoulés. C’est très court, ce n’est presque rien en comparaison des siècles qu’a duré la domination romaine. Et pourtant, en moins d’un siècle, nous avons déjà marqué très fortement à notre empreinte ce pays d’Afrique. Non seulement nous l’avons refait, mais nous avons éveillé l’Indigène à la vie moderne. Aujourd’hui, il rivalise d’activité avec nous, il reconquiert le sol, il s’installe partout où il y a un gain à faire, une place fructueuse à prendre. Et c’est justice et nous ne nous en plaindrions pas, s’il n’oubliait souvent, trop souvent, que ce progrès, ou ce changement, il le doit à notre initiative.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que nous nous sommes mis à la besogne. Notre œuvre civilisatrice a commencé dès les premiers jours de la conquête, au lendemain de notre débarquement. Au milieu de l’Alger moderne avec ses grandes avenues rectilignes et ses maisons à cinq et six étages, il y a un Alger 1830, tout de suite reconnaissable pour des yeux attentifs, un Alger rococo, qui n’a pas la majesté des très vieilles choses, mais qui touche par une sorte de charme suranné, un air à la fois provincial et créole. C’est celui que les compagnons du général de Bourmont, les colons de Bugeaud ont bâti pour ainsi dire en mettant pied à terre, — un Alger romantique et bourgeois, qui rappelle Louis-Philippe, Chateaubriand et lord Byron.

La Place du Gouvernement avec sa statue équestre du Duc d’Orléans, les façades nues de ses grandes maisons à arcades, en