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à juste titre, le patriotisme et aussi l’amour-propre, ce grand ressort de l’armée italienne, font se raidir les énergies et se tendre les volontés. La prompte, quasi immédiate, arrivée des renforts alliés contribue puissamment à rendre possible cette salutaire réaction. Elle est un facteur décisif d’espoir et de sang-froid. Dans l’alarme et le désarroi de la première heure, partout les yeux se sont tournés vers la France et l’Angleterre, et les Italiens n’ont plus regardé au-delà de leurs frontières que dans une direction : celle des Alpes. Par la promptitude avec laquelle il a été accordé, le concours militaire franco-anglais a produit une immense impression. L’alliée en danger a senti qu’elle n’était pas isolée, abandonnée à elle-même, en présence d’une offensive du bloc ennemi, où son cauchemar douloureux lui fait voir une véritable ruée. Elle trouve dans ce sentiment un utile antidote contre la dépression, un inestimable encouragement à tenir bon. Et, à son tour, l’opinion, publique, fouettée, stimulée, arrachée pour un temps à de néfastes dissensions et prémunie contre les influences malsaines, dont elle constate alors les effets pernicieux, donne carte blanche au gouvernement, le soutient et transmet jusqu’au front une consigne de résistance et d’abnégation.

Pour répéter impérieusement cette consigne et en assurer l’exécution, le G. Q. G. italien ne doit pas, selon le général Foch, attendre après le moment, désormais imminent, où la retraite aura atteint la Piave. Ce fleuve franchi, qu’aucun autre ne hante les esprits. Pas de Mincio, pas de Mincio ! Tel est son mot d’ordre à lui, la formule qu’il va répétant.

Il ne se dissimule pas toutefois qu’après la secousse ressentie par l’armée italienne, la défensive, dont il la juge à juste titre capable, lui est rendue plus difficile par l’affaiblissement numérique ; par d’importantes pertes de matériel, notamment d’artillerie ; par la désorganisation d’unités, dont le regroupement doit s’accomplir à l’arrière, simultanément à la reprise d’activité combative sur le front nouveau ; enfin, par une diminution de confiance en soi, qui survit parfois plus que de raison aux grands désastres. C’est pourquoi le général Foch pense dès lors que le concours militaire allié à l’Italie devra être accru et maintenu quelque temps à un effectif élevé. Le débit, si l’on peut ainsi parler, des renforts franco-anglais étant nécessairement conditionné par celui des voies ferrées, il n’aurait