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fois présentées à la Chambre, disait l’exposé des motifs, le droit du Sénat est épuisé. La Chambre des députés statue en dernier ressort. » La révision n’ayant pas eu lieu en 1881, un nouvel effort de règlement fut tenté en 1884 et avorta comme le précédent : ce qui permit à la Chambre de réveiller le débat, en 1885, à propos d’un intéressant rapport de M. Jules Roche. La Commission demandait, une fois de plus, qu’il fut bien entendu qu’après un premier appel, le droit de contrôle du Sénat s’évanouissait. M. Charles Floquet voulait aller plus loin et soutenait qu’en sortant de la deuxième délibération de la Chambre, le budget n’avait même pas à retourner devant le Sénat et qu’il devait être envoyé tout droit à l’imprimerie du Journal officiel, pour être promulgué. M. Ribot mit, au contraire, la Chambre en garde contre le danger de diminuer à la fois le pouvoir budgétaire et le pouvoir législatif du Sénat, et, sur l’invitation de Jules Ferry, président du Conseil, tout finit encore par une transaction. Trente-cinq ans ont passé et pour rajeunir ceux d’entre nous qui ont été témoins de ces vieux dissentiments, de nouveaux orateurs entrepris, avec une ardeur de néophytes, ces controverses doctrinales. Il en est résulté une diminution sensible des impositions supplémentaires qu’avait votées le Sénat.

Un autre motif a, d’ailleurs, poussé la Chambre à introduire quelques tempéraments dans le chiffre final des contributions. Le ministre des Finances lui a montré, avec une complaisance fort excusable, les plus-values enregistrées, depuis le mois de janvier, dans la rentrée des impôts et il lui a donné l’espoir qu’elles continueraient, au grand avantage du budget, pendant tout l’exercice, et au-delà. Il est, en effet, probable, que la reprise de notre activité commerciale et industrielle se traduira, pendant assez longtemps, par une augmentation graduelle dans le rendement des divers droits qui frappent les capitaux, les revenus et les transactions. Nous sommes dans la période du flux et la vague, gonflée par la force de travail de toute la nation, est encore loin d’avoir atteint le coefficient de marée montante qu’il est permis de prévoir. Mais gare au jusant! Ce qui vient de flot s’en retourne d’ebbe, dit le proverbe, et des plus-values, cela est vrai littéralement. Considérez un budget sur un espace de dix ou vingt ans. Vous y verrez toujours les vaches maigres alterner avec les vaches grasses, et ce serait une grave imprudence de nous croire propriétaire d’un riche troupeau pour l’éternité. Ajoutez que, cette année, les Chambres votent les nouveaux impôts avant d’avoir arrêté les dépenses et, si ferme que soit leur