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voelklches Kriegszîel). Il débute par une confession dont nous traduisons les premières lignes :

« Déjà, comme écolier, je vivais sous l’impression de la dernière guerre franco-allemande ; grâce à un merveilleux enseignement de l’histoire, reçu au gymnase de Joachimstal à Berlin, je m’éloignai de la culture classique, qui néglige volontairement le nationalisme. Le rêve de ma vie était dès lors de voir éclater cette guerre de représailles (Vergeltungskampf), — tel est le nom que devrait porter la lutte actuelle, — à laquelle je n’ai jamais cessé de croire, mais que je craignais de voir retardée indéfiniment sous l’influence du déplorable optimisme pacifique (Friedensseligkeit) du gouvernement qui avait succédé à celui de Bismarck. J’ai lutté par la parole et par la plume pour cette guerre de vengeance (Rachekrieg), qui devait enfin rétablir les frontières de notre peuple et de notre empire, telles qu’elles existaient en 1552, et que nous avons successivement perdues à l’orient et à l’occident. Ni 1815 ni 1871 ne nous les ont rendues. Bismarck a inauguré, mais n’a pu achever notre relèvement, et après lui commença la décadence, que seule la guerre actuelle a pu arrêter. » Cette guerre, M. Strautz la salue avec des transports de joie. Il considère d’ailleurs que l’Allemagne, alliée à la Hollande, à la Belgique, à la Suisse, appuyée sur l’Autriche, sera un adversaire écrasant pour la pauvre France, préalablement dépouillée de la Lorraine, de la Flandre française, de l’Artois, du Cambrésis et de la Franche-Comté.

Nous aimerions savoir ce que pense aujourd’hui M. Kurd von Strautz et s’il se réjouit encore, avec la même allégresse, de l’entrée en campagne de 1914.

La littérature annexionniste n’a pas seulement été abondamment enrichie de publications signées d’auteurs allemands. Ces messieurs ont fait une recrue hollandaise. Un certain Hans Clockener, qui se dit lieutenant retraité des Pays-Bas, a écrit une brochure intitulée : Pourquoi et comment faut-il que l’Allemagne annexe ? Il y déclare que la guerre lui a fait comprendre qu’il appartient à la grande race. Il plaint l’Allemagne d’avoir de si mauvaises frontières, notamment du côté de Belfort, que « l’insigne faiblesse de Bismarck eut le tort de laisser à la France en 1871. » La guerre de 1870 a fait l’unité allemande, celle de 1914 doit faire l’unité germanique, qui embrassera la Scandinavie, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suisse.