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sorte que la descente des chalands de Liège (et leur accès au canal Rhin-Escaut, c’est-à-dire à Anvers) ne soit pas entravée comme elle l’est aujourd’hui.

Malheureusement, les négociateurs du traité de Versailles, alors qu’ils pouvaient se contenter d’énoncer la nécessité du canal qui nous occupe et d’en décider le creusement, ont cru devoir en fixer l’origine au port rhénan de Ruhrort-Duisbourg, ce qui favorise singulièrement la Hollande et Rotterdam, au détriment de la Belgique et d’Anvers. En effet, outre que, se greffant sur le Rhin si loin au Nord, le canal s’allonge fâcheusement, il coupe presque inévitablement la Meuse à Venloo, très en aval de Maëstricht, de la poche du Limbourg, des régions carbonifères de cette province et de la Campine belge ; mais, de plus, arrivés à Venloo, les chalands rhénans, — ceux de Strasbourg compris, — trouveraient avantage à passer du canal dans la Meuse et à descendre celle-ci jusqu’à Rotterdam.

Est-ce là un résultat que nos conférents français aient pu rechercher ? Nous ne saurions le penser. Sans méconnaître, d’une part, le droit qu’ont les Hollandais de défendre leurs intérêts dans cette âpre discussion, de l’autre, le charitable dévouement qu’ont montré leurs institutions philanthropiques à nombre de Français et de Belges, victimes de la guerre, il ne nous est pas possible, — il faut le répéter, quoi qu’il en coûte, — d’oublier de quelle façon le cabinet de La Haye a compris les devoirs de la neutralité et de mettre en balance, dans les résolutions que doit nous inspirer l’intérêt français, la reconnaissance de la charité hollandaise et celle des essentiels services que l’admirable Belgique a rendus, non pas à nous, seulement, mais au monde entier.

Les constatations que j’ai faites au cours de cette trop brève étude, et aussi sans doute ces dernières réflexions, justifieront, j’espère, aux yeux du lecteur, ma conclusion qu’il convient de profiter de l’occasion qui se présente en ce moment pour la France, insuffisamment avertie l’an dernier, de revenir sur les erreurs qu’elle a laissé commettre à l’égard de la Belgique au sein de la Conférence de la paix, ci d’appuyer désormais avec toute son énergie les justes revendications où se confondent les intérêts des deux nations sœurs.


Contre-Amiral DEGOUY.