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fermé. La Hollande aurait ainsi réussi… à embouteiller le grand port belge du littoral de la mer du Nord, comme elle a déjà embouteillé Anvers. »[1].

Tout aussi directement, en raison de la récupération de l’Alsace, la France se trouve intéressée à l’adoption des propositions belges au sujet du tracé du canal du Rhin à l’Escaut.

C’est encore là une question fort embrouillée par la complexité des intérêts en jeu. Car il ne suffit pas de satisfaire la Hollande, il faut satisfaire Rotterdam, rival d’Anvers[2], favori des Anglais et surtout des Allemands ; il ne suffit pas de satisfaire la Belgique et Anvers, il faut satisfaire aussi l’industrieuse Liège, qui prétend justement avoir le plus commode accès à la mer ; et il faut encore favoriser les régions rhénanes où des industries anciennes veulent vivre, où de nouveaux bassins miniers veulent venir au jour, comme ceux, d’ailleurs, du Limbourg même et de la Campine belge, qui donnent de grandes espérances ; et enfin, pour ce qui nous touche, nous, il faut assurer dans les meilleures conditions de sécurité autant que dans les conditions les plus avantageuses de durée de trajet et de prix de revient de la tonne transportée, le très grand trafic fluvial de nos provinces reconquises.

Or il est clair, sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans le détail d’études techniques, qu’il est de l’intérêt de la Belgique, — et de la France, — que le tracé de la section du canal comprise entre le Rhin et la Meuse soit le plus Sud possible ; que si cette précieuse voie d’eau doit traverser la poche du Limbourg dit hollandais, d’effectives garanties de contrôle soient données à nos Alliés, qui ont les meilleures raisons du monde de mettre on doute la bonne volonté de leurs voisins ; et encore, que si la traversée en question doit faire aboutir le canal en aval de Maastricht, la Meuse elle-même soit canalisée dans son passage au travers de l’enclave de la place forte hollandaise, de telle

  1. G. Detry, Temps du 27 mai.
  2. Rivalité ancienne, qui remonte au moins au XVe et au XVIe siècle. Dès la fin de celui-ci, le gouvernement des Pays-Bas autrichiens, — amputés des sept provinces hollandaises, — voulait creuser un canal Escaut-Rhin, que l’on entreprit, en effet, en 1626, mais que les Hollandais ruinèrent par la force des armes, pour qu’Anvers ne nuisit pas à Rotterdam. Le traité de Westphalie, — encore un traité « protestant, » mais dont la France d’alors tirait avantage contre la maison d’Autriche. — leur donna raison et même leur attribua momentanément les deux rives de l’Escaut en aval d’Anvers, tout comme le traité de 1839. Éternel jeu de balance des intérêts et des événements !…