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Indiscutablement… Tel n’est pas l’avis du cabinet de la Haye et voici son argumentation, certes, bien inattendue : « Les Pays-Bas possédaient cette passe antérieurement à 1795 (ceci est déjà contestable, en soi) et les Puissances ayant voulu, par les traités de 1839, détruire l’œuvre de la Révolution française et rétablir la situation antérieure à 1795, la passe de Wielingen doit être considérée comme faisant de nouveau partie des eaux territoriales néerlandaises. »

Une telle thèse ne soutient pas l’examen. Les traités de 1839 ne portent pas un mot qui puisse justifier cette prétendue souveraineté de la Hollande sur le Wielingen : « Au contraire, dit un publiciste français bien informé, M. Georges Détry, la Hollande a reconnu, à plusieurs reprises, au cours du siècle dernier, qu’elle ne réclamait d’aucune manière l’exercice de ce droit de souveraineté… » Mais, bien mieux, « le 15 mai 1917, une barque belge ayant été capturée dans le Wielingen par un chalutier allemand sans qu’un garde-côtes hollandais qui se trouvait à proximité eût cru devoir intervenir, le gouvernement de la Haye justifia son abstention par l’argument péremptoire que la saisie avait eu lieu dans les eaux belges. »

Eaux belges, eaux hollandaises, la distinction n’est pas toujours facile, et les marins savent tous, par expérience, quels litiges peuvent provoquer de telles affaires. Mais c’est une raison de plus pour fixer d’une manière conforme au bon sens la question de- principe dont découle tout le reste : c’est le thalweg de l’Escaut qui doit être, une fois pour toutes, adopté comme frontière des deux royaumes. En tout cas, le méridien du « retranchement » du Zwind doit marquer, — deux balises bien visibles formant alignement pour le navigateur, — la séparation, en ce qui touche le Wielingen, des eaux hollandaises et des eaux belges. Et là encore, l’intérêt français se confond avec l’intérêt de nos Alliés. L’expérience de la dernière guerre montre qu’en l’état présent des choses. Anvers étant fermé par les Hollandais, le ravitaillement immédiat de la Belgique ne pourrait se faire que par Ostende et Zéebrugge et principalement par ce dernier port, parfaitement outillé ad hoc, ainsi que l’avait voulu le roi Léopold. S’il n’est possible d’accéder à Zéebrugge que par les eaux mal délimitées du Wielingen et « si la souveraineté hollandaise devait prévaloir sur cette passe, le seul débouché facile que la Belgique possède sur la pleine mer se trouverait