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peuvent se tenir d’annoncer à l’avance, ne fût-ce que pour étaler leur science stratégique et la profondeur de leurs desseins, le « schéma » des grandes opérations auxquelles ils se sont réellement résolus. Nous étions, en 1914, avisés de leurs projets par leurs propres indiscrétions, autant que par des préparatifs qu’il est toujours difficile de dissimuler aux regards pénétrants d’observateurs dévoués. Nous étions avisés ; mais nous doutions. Nous n’admettions pas, surtout, ce dédoublement des corps actifs de chacune des armées ennemies mises en ligne, qui devait changer à notre détriment la balance des forces.

Ne faisons donc pas fi d’indications qui, d’ailleurs, répondent à des conceptions générales tout à fait justes. Les Allemands avaient, en août 1914, aussitôt connue la détermination anglaise, le plus grand intérêt à étendre rapidement leur droite jusqu’au Pas-de-Calais. Ils le sentaient bien et n’en furent empêchés que par le retard causé par les particularités de l’ordre géographique que je signalais tout à l’heure et aussi par la généreuse résistance des Belges, de ceux de Liège, d’abord et surtout, mais aussi de ceux qui tenaient les lignes de la Geele et de la Dyle, l’armée de campagne. Les Hollandais, dans le cas que nous étudions, en feraient-ils de même ? Défendraient-ils leur Limbourg et barreraient-ils les chemins de la Meuse à l’envahisseur ?

Non. Et tout simplement parce qu’ils ne le pourraient pas.

Répétons encore, car c’est décisif, que le système militaire de la Néerlande est depuis longtemps fondé sur la défense exclusive d’un noyau central comprenant les deux provinces de Hollande et d’Utrecht, ainsi qu’une partie de la Gueldre. C’est Utrecht qui est le réduit de la triple enceinte fournie par les lignes d’eau et inondations de l’Yssel, de l’Eem et du Wecht. Or, de ce grand camp retranché à Maëstricht, il y a 120 kilomètres ! Quant à la « forteresse » de Maëstricht elle-même, il est superflu d’en parler. Sa résistance durerait moins que celle de Namur. Or, elle commande le meilleur passage de la Meuse…

Voilà donc pour le Limbourg, véritable brèche ouverte au Nord-Est de la Belgique et, donc, au Nord du dispositif général de la défense française, dont la défense belge n’est que l’avancée.

Un mot, maintenant, de l’Escaut, d’Anvers et de la défense maritime de la Belgique. Anvers, l’admirable port et la capitale économique du royaume est, comme Hambourg, comme Rouen, comme