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à beaucoup d’égards le nom de paix protestante. Et, de ce point de vue, on découvre les raisons de bien des décisions prises, soit par le Consul suprême, soit par les origines qui dépendaient immédiatement de ce groupa très resserré de hauts personnages. Je n’insiste pas davantage sur cette suggestion qui, peut-être, choquerait quelques Français, que leurs habitudes d’esprit inclinent à éviter certains sujets réservés d’ordinaire à l’intime conscience individuelle, alors même qu’ils ne se sentent pas fondamentalement hostiles à la confession religieuse qui est celle de beaucoup de leurs compatriotes, en tout cas de l’énorme majorité des populations belges. Malheureusement, — malheureusement, parce qu’il résulte pour nous de cet état de choses une infériorité réelle dans le débat de nos intérêts politiques[1], — une telle « mentalité, » faite souvent d’un sentiment de pudeur discrète, louable en soi, n’est point du tout celle des autres peuples, ni des hommes d’Etat qui les dirigent, ni, en particulier, des hommes d’Etat appartenant aux diverses confessions protestantes. Bien mieux, il est aisé de reconnaître, pour peu que l’on puisse pénétrer dans certains cercles qui exercent une grande influence « à côté, » qu’un bon nombre d’importants business men ne laissent pas d’être sensibles aux sympathies et antipathies de l’ordre confessionnel.

Quoi qu’il en soit, s’il est seulement permis de croire que les préoccupations dont je viens de parler ne furent pas étrangères au revirement d’opinion qui est à la base du différend officiel hollando-belge, il paraît certain qu’une des raisons invoquées par les dirigeants néerlandais en faveur du maintien des stipulations territoriales du traité de 1839 fut justement empruntée à la statistique religieuse des « provinces cédées » à cette époque par la Belgique et où l’on compte un assez grand nombre de protestants, tandis qu’il n’en existe pour ainsi dire pas dans les provinces du royaume actuel.

Il est à peine besoin de dire, — on sait combien tous ces problèmes sont complexes, — que les arguments de l’ordre spirituel

  1. A lire, sur ce sujet, l’intéressante étude de M. René Pinon dans la Revue hebdomadaire du 22 mai 1920 : « L’Avenir économique de la Pologne. » Commentant le livre de M. J. Meynard Keynes, — l’avocat anglais de l’Allemagne, — M. R. Pinon cite un passage de cet ouvrage où l’auteur parle des relations de la Pologne « catholique » avec la France, comme il le ferait de celles de la Belgique, catholique aussi, avec cette France dont la politique lui inspire les plus grandes méfiances.