Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la frontière des provinces de Drenthe et de Groningue.

Il y a là, manifestement, la preuve, en ce qui concerne le Conseil suprême, de la préoccupation de faire à l’Allemagne vaincue, après la guerre suscitée par elle, le moins de mal possible ou, si l’on préfère, de lui imposer le minimum admissible de réparations. Cet état d’esprit était né chez nos Alliés dès l’armistice, et même auparavant, suivant toute apparence, en somme, dès le moment on la victoire de l’Entente était devenue certaine et où, par conséquent, il y avait lieu, au sentiment des Anglais traditionalistes, de se préoccuper, comme il y a cent ans, d’établir une juste balance de forces entre l’Allemagne et la France.

Nous sommes renseignés aujourd’hui sur ce point. Les incidents qui se sont produits depuis trois mois, et qui ont pu faire craindre une légère altération de nos amicaux rapports avec la Grande-Bretagne, ont conduit une bonne partie de la grande presse anglaise, — celle qui nous soutenait, non sans courage, contre M. Lloyd George lui-même, — à reconnaître l’existence dans certains milieux politiques, économiques et religieux (sans parler, bien entendu, des « travaillistes » germanophiles), d’une mentalité nouvelle, faite de bienveillance apitoyée à l’égard de l’adversaire terrassé… de l’adversaire, surtout, dont la puissance navale était anéantie, pourrions-nous ajouter, nous Français, qui n’avons pas la satisfaction d’en pouvoir dire autant de la puissance terrestre de l’Allemagne.

Et sans doute, dans le cas qui nous occupe, les puristes du droit des Nations, adversaires de ces transferts arbitraires de souveraineté dont on usait si librement jusqu’ici en Europe, — et aussi en Amérique, comme il serait aisé de le prouver, — à la suite de chaque guerre, ne durent pas manquer d’observer qu’on ne pouvait violer sitôt l’un des « quatorze articles » en disposant des populations des quelques kilomètres carrés dont il s’agit sans les consulter sur un changement de nationalité qu’elles ne réclamaient pas, — ouvertement, du moins[1]. Il n’est assurément pas téméraire d’admettre que tel fut l’un des points de l’argumentation de M. le président Wilson, s’il y eut

  1. N’oublions pas que, dès novembre et décembre 1918, un vif mouvement séparatiste s’était produit dans le Hanovre, dont fait partie justement le Bourttanger moor, c’est-à-dire la bande de terrain marécageux, stérile et peu habitée qui longe la rire gauche de l’Ems.