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Le ministre belge, M. Hymans, crut devoir, en exposant le programme de son gouvernement, laisser de côté, momentanément du moins, toute revendication précise, et résuma son exposé en deux questions et quatre propositions.

Voici les deux questions :

« 1° La ligne de la Meuse étant la première ligne de défense de la Belgique, peut-elle être efficacement défendue et tenue dans l’état territorial établi par les traités de 1839, qui ont notamment mis dans les mains de la Hollande la ville de Maëstricht ? »

« 2° La ligne de l’Escaut étant la ligne principale de la défense de la Belgique, cette ligne, naturellement forte, peut-elle être efficacement tenue sans que la Belgique puisse appuyer cette défense sur tout le cours du fleuve ? »

Répondons négativement à ces questions.

Une agression sur cette partie de sa frontière ne peut venir à la Belgique que de la part de la Hollande ou de celle de l’Allemagne. Ne parlons pas d’une agression hollandaise. N’envisageons que la supposition, d’une réalisation beaucoup plus probable, d’une attaque allemande analogue à celle qui s’est produite aux premiers jours d’août 1914.

Or, dans ce cas, il ne peut y avoir l’ombre d’un doute sur le succès initial de l’opération allemande. La’ raison, connue de tous les militaires instruits, est aussi simple que péremptoire : c’est que le plan de défense de la Hollande contre l’Allemagne ne comporte que celle du noyau central du pays, c’est-à-dire la partie occidentale de la Gueldre (couverte par les inondations de l’Yssel, depuis son origine, au Leck, jusqu’à son embouchure dans le Zuyderzée) et les deux provinces de Hollande, couvertes par le système défensif dit d’Utrecht, qui comprend, avec deux nouvelles lignes d’eau s’appuyant au Zuyderzée et au Waal[1], les forts d’Utrecht, plus un certain nombre d’ouvrages détachés et de têtes de pont fortifiées. Mais les points les plus rapprochés de ce système restent à 60 kilomètres de l’estuaire de l’Escaut et à plus de 100 kilomètres de Maëstricht. Encore faut-il ajouter qu’aussi bien Maëstricht que l’estuaire de l’Escaut sont, par rapport au système défensif en question, dans une position tout à fait excentrique.

Affirmons-le : dans le cas d’agression allemande empruntant,

  1. Le Leck et le Waal sont deux des branches hollandaises, du delta du Rhin.