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entre les Genovéfains et la paroisse[1]. » Et ce sentier était un chemin de chèvres bordé de vignobles, fleurant la pimprenelle et d’où l’on apercevait, à la découverte, en se retournant, aussi bien de l’amont que de l’aval, une vue surprenante sur la vallée de la Seine.

A mesure que grimpaient les voyageurs, Chapelle, qui avait amené avec lui Descôteaux, Racine et le jeune acteur Baron, le « petit garçon » protégé par Molière, s’en allait en avant du cortège, discourant à mesure qu’il avançait de toutes sortes de sujets satiriques ou plaisants. A cinq ou six pas en arrière, venaient Gâches et La Fontaine. Gâches était cet ami que La Fontaine, bien trop timide et nonchalant pour se souvenir de ses propres vers, conduisait avec lui à dessein de lui faire réciter des fables à sa place. Parfois, Gâches et La Fontaine hâtaient ensemble le pas, mais ce n’était ni Descôteaux, ni M. Racine, ni le petit Baron qui menaient la conversation et montraient le chemin. Le plus volontiers, c’était Chapelle.

Grimarest, le biographe de Molière, a dit que « quand Chapelle voulait se réjouir à Hauteuil, il y menait des convives pour lui tenir tête. » Le seul pourtant qui fut en état de le faire, en cet endroit, était Descôteaux. A mesure qu’on gravissait le sentier des Arches, ce n’étaient partout en effet que cultures, espaliers, vergers et toutes les variétés possibles de petits clos, potagers et parterres d’agrément. Chapelle disait que, depuis son voyage avec M. de Bachaumont et son séjour à Grouille chez M. d’Aubijoux, il n’avait jamais rien vu de si plaisant que tous ces petits carrés de fleurs. Il disait encore que ce qui faisait ressembler « Hauteuil » à Grouille, c’est qu’on y respirait un air salubre, qu’il y avait des sources, mais qu’une chose au moins à « Hauteuil » l’emportait sur Grouille, c’étaient les vignobles. Et comme Grimarest écrit encore que M. Chapelle, « en revenant d’Hauteuil, [était] à son ordinaire bien rempli de vin, » le vin était le sujet sur lequel les uns et les autres prenaient plaisir à parler en suivant, sous un chaud soleil, les détours et méandres du sentier des Arches. Gâches soutenait que, seul, le petit jinglet de Montmartre avait le pouvoir de l’animer ; mais Racine et La Fontaine, qui s’étaient attablés plus d’une fois devant une bonne bouteille aux abords des

  1. André Hallays : Auteuil au XVIIe siècle, dans Paris (1913).