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européenne est dans cet épisode » ajoute avec raison l’historien.

Nous nous opposons à l’Allemagne au nom de la civilisation méditerranéenne ; nous n’entendons point la conquérir ; Clovis, Charlemagne, la Révolution, Napoléon n’ont primitivement entendu établir au-delà du Rhin que des têtes de pont, des bastions avancés. Ils sont ceux de la Civilisation occidentale. Et volontiers nous nous appuierions sur l’Occident entier contre le monde germanique, — en apparence civilisé, mais trahissant à chaque crise, le vieux fond barbare et païen que Charlemagne avait cru avoir refoulé dans les forêts de l’Elbe et du Danube. Ainsi avons-nous, maintes fois, tenté, après de terribles querelles, une entente cordiale avec la Grande-Bretagne, et, après des brouilles passagères, renoué une amitié presque sentimentale avec l’Italie. Et, d’un mot, l’historien caractérise les rapports, les parentés, les malentendus, les rapprochements, — envolées d’histoire qu’on ne résume pas.

En principe, nous devons surtout compter sur nous. Péninsule, la France doit faire la « politique des péninsules : » cette politique complexe l’oblige, suivant l’expression d’un Anglais, « à mettre trop de fers au feu à la fois. » Politique continentale et politique maritime, politique de ses frontières et politique de ses côtes, il lui faut mener de front des affaires qui toujours la peuvent faire heurter des voisins que sa grandeur, toujours par un côté, inquiète ou froisse. La France compte sur elle-même. Elle a raison. Combien de fois l’avons-nous vue abandonnée par ses Alliés, si elle paraît trop victorieuse !

Et c’est donc la Nation qui, à travers quinze siècles, assurera sa vie pour remplir sa mission.

Comment le Celte, — qui reste le fond de la race, — s’est laissé pénétrer par la forte discipline de Rome, bientôt humanisée par le christianisme venu d’Orient ; comment les Gallo-Romains civilisés ont absorbé le Barbare et, sous couleur d’accepter son sceptre, assimilé la race des Francs ; comment de ces trois sources est sorti « ce fleuve aux ondes souples et fortes » qui, à la fin du VIIe siècle, porte un Charles, roi des Francs, à l’Empire d’Occident, — première époque d’incomparable grandeur où se fonde la Francie, assise du grand Empire, et comment, ayant arrêté avec Charles Martel les sectateurs de Mahomet dans les champs de Poitiers et les ayant, avec Charlemagne, refoulés au-delà des Pyrénées, ayant affermi la barrière du