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L’HISTOIRE
DE LA
NATION FRANÇAISE

Un jour du printemps de 1912, si j’ai bonne mémoire, M. Gabriel Hanotaux réunit chez lui quelques historiens et s’ouvrit à eux d’un projet qui, depuis longtemps, le travaillait. Il ne s’agissait de rien moins que d’écrire en collaboration une Histoire de la Nation française. Il appuya sur le mot Nation où tenait l’esprit de l’entreprise et tout aussitôt le justifia.

Tous ceux qui ont entendu M. Gabriel Hanotaux défendre une thèse savent quelle ardeur communicative et tout à la fois quelle substantielle argumentation il apporte à son discours. J’admirai, en cette circonstance, une fois de plus, de quelle vaste connaissance de nos annales l’historien de Jeanne d’Arc, de Richelieu et de la Troisième République fait jaillir ce flot abondant et ordonné d’idées générales.

Il parlait devant des historiens, ses cadets, mais qui, tons, depuis quinze ou vingt ans, approfondissaient, chacun en son particulier, une des parties du vaste terrain où, sans aucune timidité, si j’ose dire, il se jouait. Et chacun cependant restait frappé de la façon dont, en quelques mots précis et justes, il caractérisait telle ou telle face de notre histoire. Souvent il sollicitait une contradiction du confrère plus particulièrement compétent et si la contradiction, parfois, se produisait, il en faisait le point de départ d’une nouvelle et forte théorie. En sortant, l’un de mes voisins me disait : « Quel livre d’histoire n’a-t-il pas lu ? » Il avait chez chacun de nous, en tout cas, place conquise. L’Histoire de la Nation française s’écrirait.