Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/863

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

subi le contre-coup des événements. Ils ont eu beau attirer à eux lu moitié de l’or du monde, grâce au plus formidable excédent d’exportations qui se soit jamais manifesté dans la balance commerciale d’aucune communauté ; ils ont dû, pour équilibrer leur budget, établir passagèrement des impôts aussi forts que l’Ancien Monde. Il est vrai que, grâce aux excédents qu’ils s’assurent, ils amortiront rapidement les dettes qu’ils ont contractées pendant les hostilités et dont une partie représente les sommes qu’ils ont avancées aux Alliés.

C’est ainsi que tous ceux qui ont combattu contre l’Allemagne ont vu, de ce chef, leur existence financière plus ou moins compromise et sont obligés à des efforts surhumains pour commencer à remettre de l’ordre dans la maison. La tâche est plus ou moins ardue, le délai nécessaire pour arriver au résultat sera plus ou moins long : la crise n’en est pas moins profonde, pour la plupart des États belligérants.

Et maintenant, regardons de l’autre côté du Rhin. Quelle est la partie du territoire qui a souffert ? où sont les villes dévastées, les champs en friche, les usines dynamitées, les houillères inondées et détruites, les forêts rasées, les routes, les canaux, les voies ferrées anéantis ? Ne citons qu’une statistique qui marquera la situation respective de notre industrie et de celle des vaincus. Déjà en 1919, la production mensuelle de la fonte en Allemagne atteignait la moitié du chiffre de 1913, 434 000 tonnes contre 877 000, alors qu’en France nous n’en étions encore qu’au quart, 196 000 tonnes contre 754 000. Et c’est le moment que choisit M. Norman Angell pour écrire dans un nouvel opuscule, aussi paradoxal que son livre dont nous avons parlé dans notre premier chapitre, que « l’industrie allemande a été détruite, » et pour nous convier à une révision intégrale du traité de Versailles. En vérité, il semble que tous les désastres de l’invasion soient déjà réparés, ces désastres qui étaient ce que l’Allemagne redoutait le plus pour elle-même.

Lorsqu’en 1914 les armées russes pénétrèrent en Prusse orientale, ce fut un concert de lamentations. Les proclamations que l’ex-empereur Guillaume II lança alors à son peuple témoignent du désarroi dans lequel la présence de l’ennemi sur le sol germain avait jeté les gouvernants. Et cependant, qu’était-ce que les épreuves de ces quelques semaines d’occupation auprès de celles qu’ont endurées la France, la Belgique, la Roumanie, la