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comment finit la guerre.

d’un décret publié au Journal Officiel qui étendait les sursis à toutes les professions connues et même inconnues, déclarées indispensables à la vie nationale ; il a fallu les menaces réitérées de démission du général en chef et la crainte d’une nouvelle crise du commandement ; il a fallu surtout l’arrivée au pouvoir de M. Clemenceau, qui dit : « Je fais la guerre, » et qui la fit.

Aux pertes de 1917, s’élevant à 143 000 morts, prisonniers ou disparus et 297 000 évacués (récupérables dans la proportion de 88 pour 100), il faut donc ajouter 705 000 travailleurs agricoles ou autres, ceux-là non récupérables.

Et pourtant, l’entretien de nos effectifs était assuré par l’arrivée de quelques contingents coloniaux (50 000 hommes), par l’incorporation de la classe 1918 (186 000 hommes) et des ajournés des classes précédentes (120 000 hommes), et par le jeu normal des lois antérieures et des judicieuses mesures dont l’emploi devenait de plus en plus régulier. Après une baisse assez forte au milieu de l’année, ils se relevèrent à 2 900 000 hommes, effectif de l’armée en mars 1918, à la veille de la grande offensive allemande.

On voit donc combien était erronée l’opinion de ceux qui prétendaient en 1917 qu’une grande offensive était impossible, que nous avions juste assez de monde pour la percée et pas assez pour l’exploitation. En 1917, les pertes définitives, dues avant tout à la démobilisation, ont été pour l’armée de 848 000 hommes et les pertes en blessés et malades évacués ont été limitées à 297 000 hommes ; jamais une grande offensive n’aurait atteint de pareils chiffres.

Pour livrer la bataille de 1918, nous disposions donc de 2 900 000 hommes sur le front. Nous avions 300 000 recrues, Français ou Arabes, dans les dépôts ; 40 000 noirs, prêts à rejoindre ; pour l’automne la classe 1919 instruite, des ajournés, 80 000 Arabes, 73 000 noirs ; en outre, les usines de guerre, qui nous avaient déjà restitué 25 000 hommes, purent nous en rendre 47 000 autres au cours de l’année, et nous avions la perspective des récupérations normales qui nous avaient permis de tenir l’année précédente, malgré les rudes assauts livrés à nos effectifs. On conçoit donc mal que, malgré l’avis du général Foch, chef d’État-major général de l’armée, aucun plan d’offensive n’ait été prévu pour cette année, sous prétexte que l’état de nos effectifs ne le permettait point.

Répétons-le, la bataille de 1918 prit une forme purement