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ments venaient de creuser de larges vides. Beaucoup furent tués avant d’avoir reçu l’existence militaire qui résulte de l’inscription sur les contrôles réguliers d’un corps. C’est donc approximativement qu’à la fin de 1914 on évalue l’effectif mobilisé aux armées à 2 670 000 hommes, à 300 000 le chiffre de nos pertes en tués et prisonniers, et à 500 000 les évacués sur l’intérieur comme blessés ou malades.

La classe 1914 avait été appelée en août au lieu d’octobre ; la classe 1915 en décembre ; on commençait à appeler la réserve de l’armée territoriale ; en même temps s’effectuait la première contre-visite de tous les réformés et exemptés âgés de moins de quarante-trois ans et des hommes du service auxiliaire en vue de leur passage dans le service armé.

En janvier 1915, nos effectifs sur le front ne s’élevaient plus qu’à 2 300 000 hommes, mais l’ensemble des mesures prises nous faisait escompter leur prompt renforcement, et leur entretien apparaissait comme très facile. Les diverses revisions nous donnaient 700 000 hommes, dont 250 000 seulement pour le service auxiliaire, et elles se poursuivaient. En même temps, un calcul tout théorique nous exagérait beaucoup les pertes allemandes. On admettait, d’après l’expérience des guerres précédentes, qu’à un tué correspondaient 3 ou 4 blessés, dont la moitié estropiés non récupérables. L’ennemi s’usait sur deux fronts, et on estimait le front russe aussi meurtrier que le nôtre. Or, à 100 tués ne correspondaient nullement 150 ou 200 estropiés, mais seulement 50, d’après l’ensemble des résultats ultérieurement constatés : l’armée française a perdu au total 1 289 800 tués (Français, indigènes et étrangers), et n’a eu que 747 000 réformés, y compris les malades, et l’armement des deux adversaires est resté tout à fait comparable. Dans l’ensemble, l’armement moderne s’est révélé plus meurtrier que l’ancien, puisque, pour le même nombre d’hommes atteints, le chiffre des morts a augmenté ; mais on avait tablé sur l’inverse, et les balles de petit calibre, à grande vitesse initiale, étaient qualifiées d’humanitaires, parce qu’elles devaient mettre beaucoup d’hommes hors de combat sans les tuer. On ne tenait pas compte de la mitrailleuse, dont le tir précis frappe très souvent chaque homme de plusieurs projectiles, et de la proportion actuellement beaucoup plus grande des hommes atteints par l’artillerie, dont les éclats d’obus en acier, d’une grande vitesse de projection, sont plus dange-