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moyens atteignirent par mois 1 500 000 tonnes de charbon et 84 000 tonnes d’acier.

Trop élevés pour évoquer des précisions dans l’esprit public, ces chiffres montrent cependant l’importance capitale de la mer, la route immense, dont le débit n’est limité que par les possibilités de débarquement.

Battue aux îles Falkland en décembre 1914 et au Dogger Bank en février 1915, la flotte allemande de haut bord se considère comme définitivement hors de cause après sa défaite du Jutland le 31 mai 1916. Les ravages des sous-marins dans les flottes alliées (7 millions de tonnes pour la marine anglaise seulement) causèrent quelque gêne, et de grandes inquiétudes. Mais l’Allemagne, qui avait entamé la guerre sous-marine à outrance en 1917 dans l’espoir de terminer la guerre avant que les États-Unis fussent en état d’intervenir avec des forces sérieuses, vit s’évanouir cette dernière illusion : les chantiers anglais, où travaillaient 1 500 000 ouvriers, réparaient la plus grande partie des pertes maritimes, et le reste était comblé par la mise en service des navires allemands internés au moment de la déclaration de guerre. Les Puissances alliées pouvaient continuer à s’armer, à se nourrir, à respirer et à combattre.


L’armée est un grand corps dont le commandement est le cerveau et l’État-major le système nerveux. Or, en comparant les deux adversaires au début de la lutte, il faut constater du côté de l’Allemagne une incontestable supériorité d’organisation : le général von Moltke, héritier d’un nom illustre, commande sous le visage imposant du Kaiser, avec le titre de chef d’État-major des armées en campagne ; une volonté unique règne sans conteste aux armées et à l’intérieur, avec un minimum de transmission. Il se conforme scrupuleusement au plan excellent qu’a conçu son prédécesseur le général von Schlieffen ; mais un plan ne vaut que par son exécution : ce n’est que la mise en équation du problème à résoudre ; et, dans l’exécution, les fautes de calcul abondent, qui font écarter le général von Moltke dès le 14 septembre 1914. C’est le ministre de la guerre, général von Falkenhayn, qui lui succède, tout en gardant son portefeuille ; le chancelier réclame d’avoir un subordonné direct, qu’on lui donne en février 1915, mais c’est une concession de