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de compétence, et la décision prise suggère une observation beaucoup plus grave. Ce montant minimum, qui risque tant de devenir, après plus ample discussion, un montant forfaitaire, comment ces surhommes qui vont avoir mission de l’expertiser en un clin d’œil devront-ils l’évaluer? Sur quoi devra, d’abord, s’exercer leur flair surnaturel? Sur la capacité de paiement de l’Allemagne! C’est là, vous le sentez bien, qu’on voulait nous conduire. La capacité de paiement, qui est chose ondoyante et diverse, qui est aujourd’hui au plus bas et qui peut être demain au plus haut; la capacité de paiement qui se développera bientôt avec le relèvement économique de l’Allemagne; la capacité de paiement, dont la Commission des Réparations avait à suivre, d’année en année, les variations inévitables, la capacité de paiement, dont il est. assurément légitime de mesurer l’étendue actuelle pour fixer le chiffe d’une ou plusieurs annuités, mais que le traité n’a pas voulu faire entrer immédiatement en ligne de compte pour la détermination du capital de la dette, les experts devront, sans avoir, du reste, aucun moyen de l’apprécier exactement, l’évaluer à vue de pays, de manière à adapter, au mieux des intérêts allemands, le chiffre des réparations dues et à vendre ainsi pour un plat de lentilles nos droits les plus sacrés.

Et pourquoi ce travail hâtif? Pour mobiliser plus rapidement notre créance? Nullement, puisqu’il y aurait, comme je l’ai déjà indiqué, d’autres procédés plus sûrs pour la mobiliser, si vraiment les Alliés en avaient la commune et ferme volonté. Ce semblant d’expertise a un tout autre objet. M. Bonar Law a pris soin de nous le rappeler : « Le fait nouveau, a-t-il dit, c’est que les chefs des gouvernements alliés vont se rencontrer avec les chefs du gouvernement allemand... Cette méthode de conversations ouvertes incitera certainement davantage les Alliés à formuler des conditions raisonnables. » J’aime ce qualificatif, car enfin nous voulons être raisonnables; mais tout de même, je préférerais que les Allemands ne fussent pas appelés à décider eux-mêmes si nous le sommes ou ne le sommes pas; et, pour l’être, nous n’avons pas besoin d’être traînés en présence du chef du gouvernement allemand.

Cette réunion de Spa peut, si l’on n’y prend garde, devenir la plus dangereuse des aventures. Aux termes du traité (annexe II, § 10, la Commission des Réparations doit, chaque fois qu’il y a lieu, donner au gouvernement allemand « l’équitable faculté de se faire entendre, » mais cela sans qu’il puisse prendre aucune part aux décisions de la Commission. La procédure de ces auditions est, depuis longtemps,