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relique, d’autant plus précieuse qu’elle était le seul reste authentique de la dépouille de Louis XVII. Pellelan l’offrit à Louis XVIII. Louis XVIII la refusa. Pelletan insista, s’adressant à Mme la Duchesse d’Angoulême, qui négligea de répondre. Une enquête, conduite par M. Pasquier, établit l’authenticité du cœur ; mais tout de même, les Bourbons refusèrent de l’accepter. Le procédé était brutal ; la parole d’honneur d’un homme de l’importance du « chevalier Pelletan, » savant éminent, membre de l’Académie royale des Sciences et professeur à la Faculté de médecine de Paris, chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur, valait d’être prise en considération. Pelletan, entaché de bonapartisme, était, a-t-on dit, mal vu à la cour ? Soit ; mais Damont, le candide Damont, ce commissaire de la section du Faubourg du Nord de service au Temple le 8 juin 1795, qui, à la fin de l’autopsie, prit et emporta les cheveux coupés au cadavre ? Les notes de police lui sont extrêmement favorables ; il a soixante-douze ans, il est membre du comité de bienfaisance de son quartier, la boucle de cheveux qu’il s’est appropriée n’a jamais quitté sa demeure ; elle est encore entourée du fragment de journal dans lequel il l’a enveloppée le jour même de son pieux larcin ; il a fait confectionner pour elle un reliquaire en velours blanc, semé de fleurs de lys d’or, renfermé lui-même dans un coffret de maroquin rouge fermant à clef et portant cette inscription : Cheveux de S. M. Louis XVII conservés par le sieur Damont… Aucune relique ne présente plus que celle-là des caractères d’authenticité absolue… si c’est le Dauphin qui est mort au Temple. Depuis 1815, Damont était en instances pour la présenter à Mme la Duchesse d’Angoulême en faveur de laquelle il offrait de s’en dessaisir ; « parfaitement accueilli par M. le duc d’Avaray, » il n’avait pu pénétrer jusqu’à Madame qui, décidément, apportait peu d’empressement à recueillir les souvenirs de son frère. En juillet 1817 seulement, après deux ans de démarches, Damont obtint une audience de M. le duc de Gramont, capitaine des gardes du corps. Il se rend aux Tuileries, porteur de son reliquaire, est reçu au pavillon de Flore, admis en présence de M. de Gramont qui, ouvrant le coffret, examine les cheveux, et déclare « que ce ne sont point là les cheveux du Dauphin : les boucles de celui-ci étaient d’un blond plus clair ; il avait eu occasion de le bien connaître, sa belle-mère ayant été